Robotique agricole
E-K18, le robot grandes cultures biberonné par un agriculteur béarnais

Le robot E-K18 de Softivert fera ses premiers essais à grande échelle en 2023 avec un semis de 5 ha de maïs. (©Softivert)
Le robot E-K18 de Softivert fera ses premiers essais à grande échelle en 2023 avec un semis de 5 ha de maïs. (©Softivert)

Sur les zones d'exposition et de démonstration de la septième édition du Word Fira, qui s'est tenu début février dernier à Toulouse, les robots destinés aux grandes cultures n’étaient pas des plus nombreux. Plusieurs nouveaux venus avaient toutefois de quoi fasciner technophiles et simples curieux, à l’instar du rover E-K18 de la société béarnaise Softivert. Fait rare, cette dernière n’a rien d’une jeune start-up puisqu’elle officie depuis une vingtaine d’années dans l’agriculture de précision. Ce n’est toutefois qu’en 2018 qu’elle s’est lancée sur les pas de Naïo Technologies et Agrointelli, avec une différence notable : son fondateur n’est pas ingénieur mais agriculteur. Épris des « iques » selon son expression – informatique, électronique, mécanique et, bien sûr, robotique – le parcours de ce dernier n’est pas des plus communs !

Rangs de maïs et lignes de codes

Jean-Luc Picourlat a grandi sur une exploitation agricole « traditionnelle » du Béarn : 80 ha, des vaches laitières et du maïs ensilage. Son avenir était tout tracé, à un détail près : il se découvre vite une passion pour l’informatique. Autodidacte, il fait ses premières armes sur un Oric Atmos, un micro-ordinateur de jeu tombé dans l'oubli, tout en travaillant sur la ferme familiale.

En 1989, le jeune agriculteur parvient à coder ses propres logiciels pour la gestion des parcelles et de l’élevage de l’exploitation. Mais c’est lors de l’achat d'un distributeur automatique de concentré que sa passion prend un tournant : le fabricant lui promet un partenariat s'il réussit à connecter l’équipement à l’Oric Atmos. Pari tenu, premier DAC informatisé vendu en 90 et création de la société Softivert en 2003.

Aujourd'hui, l'entreprise compte sept salariés, dont Clément, le fils de Jean-Luc, formé en Communication et Réseaux, et produit à la fois les logiciels et l’électronique associée.

La genèse du rover E-K18

Grâce aux capteurs et systèmes de guidage qu'il a mis au point, Jean-Luc Picourlat constate vite que, sur son tracteur, l'essentiel du travail se résume au demi-tour en bout de champs. Si cette manœuvre était automatisée, plus besoin de monter dans l’engin et le gain de temps serait conséquent. De là naît l'idée d’un tracteur autonome, pour lequel l’agriculteur part en quête d'un partenaire pour la partie traction afin « de se concentrer sur la géolocalisation, l’automatisme et la création d’une gamme d'outils » explique-t-il. Le prototype sera finalement conçu entièrement en interne et sur fonds propres.

Un couteau suisse des grandes cultures ?

Avec son châssis articulé lui donnant une taille de guêpe, ses lignes épurées et ses deux petits phares avant, l’E-K18 a des allures d’hyménoptère métallique. C’est que son créateur l’a voulu avant tout transportable et adaptable : 1,5 t, peu large, sur roues et équipé de deux batteries électriques lui conférant une puissance de 18 kW (équivalent 24 CV).

Le robot E-K18 de Softivert, lors du World Fira de Toulouse, début février 2023.
Le robot E-K18 de Softivert, lors du World Fira de Toulouse, début février 2023. (©Yoann Frontout)
 

Le robot devrait ainsi pouvoir assurer une large gamme de travaux en grandes cultures, de la préparation des terres au binage, en passant par le semis, la fertilisation et les traitements phytosanitaires. Equipé d’un semoir, « son autonomie lui permettrait de réaliser 3 ha » estime Jean-Luc Picourlat.

Un chantier clôturé

Sur le modèle des tondeuses automatisées – c’est d’ailleurs dans son jardin que l’agriculteur a trouvé l’inspiration – la parcelle où intervient le rover doit être délimitée par un fil périphérique. « Si le robot le pousse, la tension est répertoriée sur un émetteur radio : l’engin s’arrête et l’agriculteur reçoit un SMS. Même chose si quelqu’un pénètre sur la parcelle » explique-t-il. Que l’on ne lui dise pas qu’il y a entrave à la liberté de circuler : « C’est un chantier automatisé interdit au public », objecte-t-il, dressant le parallèle avec la sécurisation d’un ouvrage dans le BTP. Reste à voir si le plus avantageux serait une clôture pérenne ou mobile, à la façon des solutions proposées en pâturage. Se pose également la question du prix : pour le rover, « notre objectif est de rester aux environs des 100 k€, voire en dessous » répond-il.

Après le Sima en novembre puis le World Fira en février, le robot devrait à nouveau faire parler de lui en juin. Dans la ferme où il a vu le jour, il aura pour mission de semer 5 hectares de maïs. Et Jean-Luc Picourlat espère bien multiplier les essais par la suite, jusqu’au jour où il sera nécessaire de se faire épauler par un constructeur pour entamer la production en série. Mais l’agriculteur n’est pas pressé : « Nous allons garder un maximum de temps le bébé pour le faire grandir. Après, seulement, viendra le sevrage ! », plaisante-t-il. Confiant en son produit, il l’est aussi quant au futur de la robotique agricole : « Transition il y a, transition il y aura » glisse-t-il.

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