Terre-net (TN) : La localisation de la ferme de Trubuil, sur le plateau de Saclay, est-elle un handicap ?
Nathalie Trubruil (NT) : « L'exploitation existe depuis les années 30. À l'époque, c'était celle de mon grand-père. Elle s'étendait sur 2 000 m2 et a très vite été menacée par l'urbanisation. Après la mort de Georges Pompidou en 1974, Valéry Giscard d'Estaing est passé au-dessus en hélicoptère et a dit : "On n'y touche pas". »
TN : Comment êtes-vous arrivée sur l'exploitation ?
NT : « En 2003, mon père, qui avait pris la suite de mon grand-père, avait atteint la soixantaine. Il se demandait ce qu'allait devenir sa ferme puisque j'étais commerciale dans la grande distribution. Je lui ai répondu : "Je vais la reprendre". Au début, il n'y avait que des céréales. Puis, nous avons commencé à cultiver des courgettes et des pommes de terre, sur 3 000 m2, pour nous, notre famille et nos amis. Et un jour, quelqu'un m'a dit : "Pourquoi tu ne ferais pas des paniers de légumes, pour les entreprises notamment ?". »
TN : L'avez-vous ensuite développée ?
NT : « Les citadins sont sensibles à ce type d'agriculture et la demande a très vite augmenté. Nous avons débuté avec un hectare. Actuellement, nous sommes à 16 ha et nous avons diversifié le maraîchage, avec des cultures de plein champ et sous serre. On fait de bons légumes et les clients le voient. En plus des paniers pour les entreprises, nous vendons à la ferme. Tous les ans, nous gagnons des parts de marché, ce qui nous permet d'embaucher de la main-d'œuvre (six CDI à temps plein et quatre CDD saisonniers, NDLR) et d'investir. C'est une aventure familiale formidable qui, j'espère, continuera. »
TN : Comment l'Agence des espaces verts (AEV) vous a-t-elle aidée dans votre développement ?
NT : « Mon père a repris des terres de l'AEV au tout début du dispositif. Sans cette opportunité, nous n'aurions pas aujourd'hui la même soupape de sécurité face à la pression foncière. C'est un vrai partenaire, qui veille à ce que l'agricole reste agricole à travers un contrat de confiance. On se sent soutenu, car l'agence respecte la terre agricole et s'efforce, comme nous, de la préserver. Au moment de lui louer de nouvelles parcelles (location via l'AEV de 90 ha au total sur les 280 ha que compte l'exploitation, NDLR), j'ai choisi un bail de 18 ans, cessible aux enfants, car cela donne de la visibilité à plus long terme. »
TN : Avez-vous bénéficié d'autres aides ?
NT : « Bien sûr ! Surtout des propriétaires privés, qui sont derrière moi. Il ne faut pas les oublier. Ils sont contents que nous fassions perdurer leurs biens. Sur ce plateau, véritable poumon vert pour Paris, nous vivons de notre métier d'agriculteur. »