Pourquoi un sol vivant est plus résilient

Observation du sol avec un couteau
« Avoir des sols riches et vivants, c'est l'objectif car tout part de là », indique Marc-André Selosse. (©Antoine Humeau)

Imaginez que vous possédez un appartement à Paris que vous louez huit mois par an. Le reste de l’année, vous évitez absolument qu’il vous rapporte quelque chose. Absurde ? Par cette métaphore, Marc-André Selosse souligne l’impérieuse nécessité de couvrir ses sols toute l’année. « Il faut soit produire quelque chose, soit faire de l’agriculture technique avec des légumineuses ou des phacélies qui se goinfrent de phosphore et d’azote, qui ne sera pas lessivé ensuite ». Et cela fera une biomasse très conséquente. Le couvert, une fois restitué, nourrira le sol.

Avoir des sols riches et vivants, c’est l’objectif car tout part de là. Un gramme de sol, c’est un millier d’espèces de bactéries, un million d’espèces de champignons et des centaines d’espèces d’amibes (micro-organismes). Ce sont eux qui dévorent la matière organique, les feuilles qui tombent par exemple. Tous les ingrédients du sol sont transformés par la vie, mais « pour éviter que cette fertilité produite ne soit entraînée en profondeur loin des racines par le perpétuel passage de l’eau, il faut touiller tout cela », explique Marc-André Selosse. Ce mélange est opéré par les vers de terre bien sûr, lorsqu’ils mangent et tracent leur chemin. « De véritables usines à mélanger le sol », commente le scientifique. Le travail est aussi opéré par les plantes, dont les racines sécrètent beaucoup de mucilages, du gel qui retient l’eau. Quand les racines meurent, cela fait de la matière organique.

Et puis il y a les champignons. Les crucifères mises à part, la quasi-totalité des plantes ont des filaments de champignons dans leurs racines. Celles-ci sont connectées à un mycélium. « C’est une association où les racines payent le champignon pour aller faire les courses, celui-ci va chercher l’eau et les sels minéraux, développe le spécialiste en botanique et mycologie. Le champignon protège la racine contre les maladies, car c’est son garde-manger et quand on regarde bien une racine on s’aperçoit que plus les plants sont mycorhizés, moins ils sont malades ».

Le labour, un « holocauste »

Toute cette « chorégraphie » entre plantes, animaux et champignons produit des trous d’enracinement, de filaments morts et d’amibes. « Les vers créent de grandes voies pénétrantes dans lesquelles circule l’eau avant d’aller se stocker dans les petits trous capillaires créés par les amibes, et par la mort des filaments des champignons et des racines », développe le mycologue. « Un sol fertile sans trous, cela n’existe pas ».

Un sol vivant réduit le ruissellement, augmente l’efficience de l’eau et permet aussi de stocker du carbone. Augmenter chaque année de 0,4 % le taux de matière organique des sols de toute la planète permettrait de compenser tout le CO2 émis par l’humanité, rappelle le professeur au muséum d’histoire naturelle.

Travailler ses sols n’est donc pas une bonne idée. « Le labour tue les herbes mais aussi les champignons », c’est « un holocauste » pour Marc-André Selosse. « Vous imaginez ce qu’il reste du réseau de filaments ? Il y a des champignons qui ne survivent pas au labour ». En revanche, les bactéries sont tellement petites qu’elles ne subissent pas le travail du sol. Et comme il y a des champignons en moins, cela leur laisse la possibilité de s’installer. Mais « le sol a perdu de sa cohésion après un labour car la matière organique qui colle les morceaux de sol entre eux a été détruite ». Le sol s’érode.

« Attention aux intrants »

Tous ces bienfaits des pratiques de l’agriculture de conservation des sols (ACS) cachent toutefois un point noir, celui des herbicides. « Le glyphosate tue les lombrics, fait chuter le taux d’éclosion de vers de terre et c’est très mauvais aussi pour les champignons mycorhiziens » alerte Marc-André Selosse. Les engrais minéraux réduisent eux aussi la présence de mycorhizes : « C’est logique, on donne à manger à la plante, elle n’en a plus besoin pour aller chercher à se nourrir ». Or comme les mycorhizes protègent la racine contre les maladies, la plante devient plus vulnérable. « Donc vous entrez dans un appel aux pesticides ».

Intervenir le moins possible, prônent les adeptes de l’ACS. « Si ça marche bien, vous êtes en train de transformer votre capital en rente ».

Inscription à notre newsletter

NEWSLETTERS

Newsletters

Soyez informé de toute l'actualité de votre secteur en vous inscrivant gratuitement à nos newsletters

MATÉRIELS D'OCCASIONS

Terre-net Occasions

Plusieurs milliers d'annonces de matériels agricoles d'occasion

OFFRES D'EMPLOIS

Jobagri

Trouvez un emploi, recrutez, formez vous : retrouvez toutes les offres de la filière agricole

Réagir à cet article