L e bail rural est conclu pour une durée de 9 ans, il se renouvelle par tacite reconduction de 9 ans en 9 ans. Le preneur, mais plus fréquemment le bailleur, peuvent s’opposer au renouvellement du bail (article L. 411- 55 du code rural). Ce dernier, peut notamment s’opposer au renouvellement si le preneur n’est pas en règle avec le contrôle des structures, s’il n’habite pas sur le fonds loué ou à proximité ou encore, s’il ne l’exploite pas effectivement. Le bailleur peut également s’opposer au renouvellement s’il entend reprendre le bien loué.
Un formalisme strict
Le bailleur doit délivrer un congé 18 mois avant l’expiration du bail, par exploit d’huissier. Cet acte doit comporter de nombreuses mentions (nom, prénom, âge, domicile, profession du bénéficiaire…) qui, si elles ne sont pas précisées, peuvent aboutir à la nullité du congé, sous réserve que ces omissions créent un préjudice au preneur (Article L. 411-47 CR et article 648 du code de procédure civile). Ce formalisme est à prendre d’autant plus au sérieux que ces dernières années, les tribunaux sont enclins à annuler des congés n’ayant pas porté les mentions obligatoires.
En outre, le bailleur qui délivre le congé, à son profit ou au profit de son conjoint, partenaire pacsé ou d’un de ses descendants, doit satisfaire à plusieurs obligations, sous peine de nullité dudit congé. Ainsi :
- Le bénéficiaire de la reprise doit être en règle avec le contrôle des structures à la date d’effet du congé ;
- Il devra se consacrer à l’exploitation du bien repris pendant au moins 9 années, c’est-à-dire, participer de manière effective et permanente aux travaux ;
- Il doit habiter à proximité des biens repris ;
- Posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir ;
- Préciser la manière dont il entend exploiter les biens : sous la forme sociétaire ou individuelle.
Si le bénéficiaire de la reprise ne satisfait pas à ces obligations, le preneur peut alors saisir le tribunal paritaire des baux ruraux, dans les quatre mois à compter de la réception du congé, en demande de nullité du congé.
Des juges rigoureux
Le preneur à bail doit être attentif non seulement quant au formalisme lié au congé mais également à l’ensemble des mentions que doit respecter le bénéficiaire de la reprise, que ce soit au moment de sa délivrance mais également jusqu’à sa prise d’effet.
Depuis plusieurs années, la jurisprudence est de plus en plus stricte et rigoureuse quant à l’appréciation des conditions de la reprise. Le bénéficiaire de la reprise qui exploiterait les biens repris sous la forme sociétaire, doit préciser dans le congé, qu’il les mettra à disposition de la société, sous peine de nullité (Arrêt de la Cour de cassation n°12-26388 du 12 mars 2014) de celui-ci. Le bénéficiaire qui énonce dans le congé qu’il exploitera les parcelles « soit à titre individuel, soit au sein d’une société » encourt la même sanction (Arrêt de la Cour de cassation n°15-25027 du 12 janvier 2017).
Plus récemment, la Cour de cassation a annulé un congé pour reprise en raison de plusieurs changements en cours de procédure devant le tribunal, dans la manière dont le bénéficiaire détiendrait le cheptel et le matériel nécessaire (Arrêt de la Cour de cassation n°17-31618 du 14 novembre 2019). Les juges n’ont pas limité leur appréciation au terme du congé et au fait que le bénéficiaire détenait le matériel suffisant, ils ont contrôlé la provenance du matériel. Aussi, le bénéficiaire de la reprise doit respecter scrupuleusement les termes énoncés dans le congé délivré et dès le début de la procédure de contestation. À défaut, le preneur peut obtenir la nullité du congé.
Sans lien de parenté, le congé est nul
Le preneur, en plus devra s’assurer que le lien de parenté entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise existe bien. En effet, les personnes pouvant bénéficier de la reprise à l’initiative du bailleur, sont strictement énumérées par le code rural. À défaut de ce lien de parenté, le congé est nul.
Cette nullité du congé est ce qu'a décidé la Cour de cassation dans son arrêt n°18-22159 du 23 janvier 2020. Suite au décès de la propriétaire, une indivision successorale est mise en place avec l’ensemble de ses enfants. Cette indivision qui vient en représentation de la propriétaire délivre un congé pour reprise au profit de Baptiste, petit-fils de la propriétaire. Quelques mois avant la date d’effet du congé, l’indivision est partagée. Du fait de la rétroactivité du partage, les ex-indivisaires sont devenus propriétaires des biens à compter du décès de la propriétaire. Le preneur en place décide alors au regard de cette nouvelle information de saisir le Tribunal en annulation de congé. En effet, Baptiste était certes le descendant de la défunte, mais suite au partage, il ne bénéficiait plus du lien de parenté exigé par le code rural, n’étant pas un descendant des propriétaires mais leur neveu.
Auteur : Marie-Claire Barbier, juriste au cabinet d’avocats Terrésa, membre d’AgirAgri