« Ici, la betterave a un bon potentiel et est adaptée au terroir local »

Jean-François Deneuville jeune installé producteur de betteraves dans le Nord
« Nous avons le climat et les terres pour cultiver de la betterave », reconnaît Jean-François Deneuville, installé depuis 2021. (©Jean-François Deneuville)

Installé en SCEA avec son épouse depuis septembre 2021, sur une exploitation de 140 ha dans le Nord près de Lille, Jean-François Deneuville cultive 20 ha de betteraves sucrières, culture déjà présente sur l’exploitation reprise derrière ses beaux-parents. Une surface stable depuis son installation agricole, comme les rendements moyens qui avoisinent une centaine de tonnes à l’hectare. Cette campagne, ils sont meilleurs et peuvent dépasser 120 t/ha. « Le climat nous a bien aidés avec du soleil au printemps, au moment où la culture en a le plus besoin pour sa croissance, un peu de pluie en été et en automne et du soleil en fin de cycle, ce qui a permis de faire du tonnage et du sucre, détaille l’agriculteur récemment installé. « J’ai pu semer tôt dans de bonnes conditions », ajoute-t-il.

Des rendements moyens autour de 100 t/ha et à plus de 120 t/ha en 2025.
Cette année, nous avons eu beaucoup de chance dans notre secteur.

La jaunisse, il en a bien observé quelques ronds sur ses parcelles sur la période estivale et surtout automnale. Mais, comme les autres années, il a réussi à maîtriser les pucerons et la maladie a eu un impact limité sur sa ferme, de même que dans les alentours. « Il y en a toujours un peu mais les répercussions en termes de rendement sont difficilement mesurables », fait-il remarquer. Quand il s’est installé en agriculture, l’enrobage des semences de betteraves aux néonicotinoïdes était encore autorisé. « Nous avions plusieurs produits à disposition, adaptés, pour pouvoir lutter contre ce ravageur, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui », déplore-t-il.

Prévenir la jaunisse : beaucoup de stress, de temps, mais également de technicité

Plus le droit à l’erreur. « Il faut intervenir au bon moment avec la bonne matière active parce qu’on ne pourra pas la réutiliser, et sans vraiment de garantie de réussite », illustre Jean-François Deneuville. Cultiver de la betterave à sucre exige un niveau de technicité accru et une surveillance permanente, en particulier au début de son développement où elle est la plus vulnérable. « On peut perdre énormément alors, tous les deux jours, je suis à genoux dans mes parcelles pour voir si des pucerons sont présents. Et ils ne sont pas faciles à repérer. C’est beaucoup de temps passé, de stress et de charge mentale. » A fortiori quand on est chef d’exploitation depuis peu.

Le producteur évoque une autre maladie pouvant être impactante, la cercosporiose. « Pour les enlèvements précoces, les traitements fongicides permettent sa maîtrise, met-il en avant. Sans cela, je n’aurais aucun résultat. » S’ils sont tardifs, il choisit des variétés résistantes car les feuilles restent longtemps au champ. Et elles résistent plutôt bien. « Novembre est moins pénalisant, il faut tenir septembre et octobre. » Quant au changement climatique, Jean-François Deneuville reconnaît que sa région est assez préservée. Il se rappelle malgré tout les pluies intenses de l’automne 2023, un « vrai traumatisme pour le Nord et surtout le Pas-de-Calais avec des champs inondés et des rivières ayant débordé ».

« Les terres et le climat pour cette culture »

« Heureusement, je n’ai pas été touché parce que les arrachages avaient été précoces. Mais personne n’est à l’abri d’accidents météo » comme celui-ci ou la sécheresse. « Cette année, nous avons eu beaucoup de chance sur notre secteur », répète le planteur faisant référence à ce qu’il a dit plus haut. « Ici, la betterave a un bon potentiel et est adaptée au terroir local. Nous avons le climat et les terres pour ça, et donc des rendements satisfaisants », pointe-t-il, estimant qu’elle est une excellente tête en rotations longues et cultures de printemps aux côtés de la pomme de terre et du lin.

La betterave, une très bonne tête de rotation, qui a toute sa place pour diversifier mon assolement.

« Elle a toute sa place pour diversifier l’assolement – il se compose actuellement de 20 ha de betterave, 60 ha de blé, 20 ha de pomme de terre, 7 ha de colza, 7 ha de lin, 6 ha de pois de conserve, 6 ha d’endive/chicorée, 3 ha de maïs, 2 ha de prairies temporaires –, complète-t-il, et répartir les risques sur plusieurs productions en cas d’aléa climatique ou de marché. Car si les performances techniques sont au rendez-vous sur sa ferme et sa zone, et que Jean-François Deneuville juge cette production rémunératrice, les prix sont très volatils, dépendant « du marché, des cours, des réserves et stocks mondiaux ».

Jean-François Deneuville agriculteur dans le Nord
Cette culture diversifie l'assolement et répartit les risques en cas d'aléa climatique ou de marché. (© Jean-François Deneuville)

Volatilité et manque de visibilité

« D’autres cultures, les pommes de terre notamment, connaissent pas mal de volatilité, nuance-t-il. Toutes fonctionnent par cycle, les baisses et les hausses n’ont pas lieu au même moment. » « Ces deux dernières campagnes, les prix sont en repli alors que les charges et donc les coûts de production augmentent, constate-t-il. Impossible de donner des chiffres, tout est tellement fluctuant. » L’exploitant suit le sujet avec attention, espérant que les cours vont remonter. Il insiste sur le manque de visibilité. « On sème sans savoir à quel prix on vendra nos betteraves. »

S’engager sur trois à cinq ans, c’est normal.

L’agriculteur est en contrat avec Tereos, avec un renouvellement prévu en 2027. S’il accueille favorablement l’annonce du groupe sucrier d’un passage à une contractualisation sur trois ans à partir de 2026, il comprend que les coopératives aient besoin d’un engagement sur au moins cette durée pour avoir de la visibilité sur les volumes livrés et la commercialisation, quelle que soit la filière d’ailleurs. Par rapport au capital social mobilisé, « si la somme s’avère importante comparé à d’autres productions », Jean-François fait remarquer que les coopérateurs récupèrent en retour « des dividendes et de la participation ».

Une filière bien structurée

Et que les coopératives ont « un outil industriel conséquent et performant à entretenir et faire évoluer ». Elles réalisent de gros investissements comme, par exemple, actuellement dans la décarbonation. « Contrairement aux privés, les planteurs en ont la maîtrise », appuie-t-il. Quant à la manière de fixer les prix et leur transparence, le producteur met en évidence une amélioration ces dernières années. « La structuration des prix n’est pas évidente à saisir, le prix à la tonne n’est pas calculé de la même façon dans toutes les coopératives. Pour le blé non plus. Je fais confiance à ma coop, aux mains des planteurs qui ont tout intérêt à ce qu’ils soient rémunérateurs », détaille-t-il.

Je fais confiance à ma coop.

Plus largement, considérant la filière dans sa globalité, il estime qu’elle est bien structurée, en amont comme aval, au niveau des producteurs, des industriels, des syndicats… « On se sent protégé, c’est rassurant. » Il insiste sur le maillage territorial dense, historique, de sucreries et d’industries agroalimentaires dans le Nord-Pas-de-Calais, « créateur d’emplois, de valeur, de richesse, au niveau national comme à l’exportation ». « Une fierté » que Jean-François Deneuville éprouve aussi pour le produit en tant que tel – le sucre – consommé par tous.

Aux pouvoirs publics de soutenir une filière créatrice de valeur

« Un passé industriel, une filière d’excellence, un savoir-faire » qu’il faut préserver. Comment ne pas penser aux fermetures de sucreries dans le sud du bassin betteravier ? « Une fois qu’elles sont fermées, elles ne rouvriront plus. Même si nous avons des terres et un climat favorables, nous ne sommes pas pour autant à l’abri, nous devons être vigilants », met-il en garde. Or, sans solution de protection efficace contre la jaunisse – donc pour maintenir les rendements –, certains planteurs risquent d’arrêter la betterave.

Les importations de sucre ukrainien m’agacent.

Jean-François Deneuville n’en fait pas partie, pour le moment, pour toutes les raisons évoquées. Mais il appelle à davantage de soutien politique pour que « la filière betteravière soit mise en valeur au lieu de servir de variable d’ajustement ». Il prend en exemple les importations de sucre pour soutenir l’Ukraine qui pénalisent les producteurs français. « Les Ukrainiens ont des coûts de production nettement plus faibles et disposent encore de plusieurs leviers phytosanitaires pour protéger leurs champs. Nous ne jouons pas à armes égales », s’agace-t-il avant de conclure : « Nous avons besoin d’une vision long terme, favorisant cette culture et protégeant le marché. »

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