Alain Gaudemer, producteur de betteraves bio à Auteuil-le-Roi (Yvelines), utilise le robot Farmdroïd dès l’implantation et pendant tout le cycle de la culture. Dès qu’il a fini de semer, il tourne quasiment en permanence sur les parcelles. Cela commence par un désherbage à l’aveugle, et dès qu’il a fini son passage, il attaque dans les rangs. Il fait deux passages en binant l’inter-rang, et quand la culture est à trois feuilles, on commence à mettre les couteaux pour biner sur le rang, gratter entre les betteraves.
« On ne peut pas le faire avant parce que le couteau pousse les mottes sur la plante. Le problème, c’est qu’il peut avoir du mal à détruire un chénopode trop développé. Cette année, par exemple, je pensais faire trois passages de couteau et je me suis fait surprendre au troisième, le robot n’arrivait plus à les arracher et en plus, cela bourrait. Le désherbage mécanique des betteraves est plus simple avec une bineuse ou une herse étrille. »
« Le robot, pendant plusieurs semaines, en mars et avril, vous ne pouvez pas le laisser sans surveillance. Il faut aller le voir deux ou trois fois par jour, il y a toujours une pierre ou une motte d’herbe qui va coincer. Mais cela permet de se passer de désherbage manuel. Il fait bien le boulot, mais ce ne sera jamais aussi propre qu’un désherbage chimique. Tout dépend où vous placez le curseur. En conventionnel, cela ne passerait pas, il y aurait trop de pertes de rendement, ce ne serait pas rentable. Il faut bien être conscient que le robot désherbeur, ce n’est pas la solution miracle. »
Remplacer le dernier passage par un binage
Chez Julien Thomas, producteur de betteraves à Fréville-du-Gâtinais (Loiret), installé depuis 2019 sur 138 ha, dont 7 ha de betteraves, les rotations tournent sur neuf ans. « En général, je ne fais que trois passages de désherbage chimique. Le dernier, je l’ai remplacé par du désherbage mécanique à la bineuse. J’avance assez vite, ce qui permet de faire un petit buttage et protéger un peu le rang. Pour ce passage, il ne faut pas de pluie tout de suite après, parce que les adventices que l’on coupe peuvent repiquer. Si possible, il faut faire ce passage juste avant le recouvrement de l’inter-rang, vers début ou mi-juin, quand c’est recouvert à 80 %. »
« Remplacer le dernier herbicide par un binage des betteraves, c’est assez efficace, on arrive à gérer l’enherbement. Mais je suis sur des terres d’argile lourde, c’est donc parfois difficile de trouver les conditions adaptées pour intervenir. L’an dernier, en 2024, il y a eu pas mal de pluie, donc pas mal de relevées, je n’ai pas pu sortir la bineuse sur les betteraves, j’ai dû intervenir chimiquement. Et je pourrais difficilement faire du désherbage mécanique au printemps, parce que j’aurais du mal à trouver des créneaux d’intervention. »
La robotique sauvera-t-elle la betterave bio ?
Ils seraient un peu plus d’une soixantaine d’agriculteurs en France, tous en bio, à être équipés d’un robot Farmdroïd. Cet engin autonome qui assure à la fois le semis et le désherbage mécanique révolutionne la conduite des cultures. C’est une sorte de couteau suisse qui prépare et nivelle le sol, et sème à la précision RTK. Il bine à l’aveugle directement après le semis à 1 cm de profondeur pour lisser la parcelle sans atteindre les graines, et désherbe le rang et l’inter-rang dès que possible et jusqu’au stade huit feuilles. Les parcelles sont plus propres, il permet de s’affranchir du désherbage manuel. Mais le Farmdroïd coûte autour de 100 000 € et ne peut pas travailler sur plus de 20 ha.
À Feuges (Aube), l’EARL des Fontaineries en a trois. Un labour avant l’implantation, un lit de semence et on n’entre plus dans la parcelle jusqu’au stade dix feuilles. « On n’entre plus avec le tracteur dans la parcelle jusqu’à la récolte, raconte Simon Meirhaeghe. On programme les robots, on les met à tourner en faux semis, on travaille à 1 ou 2 cm de profondeur puis on les met à semer à 2,5 cm. » Du 1er mars jusqu’au stade huit feuilles, les robots travaillent 24 h/24, mais à un train de sénateur : 4 ha par jour maximum.
« Régulièrement, on reçoit des alertes sur notre téléphone, il faut se déplacer, aller voir, on est réveillé à peu près toutes les nuits », se désole le producteur champenois. Simon Meirhaeghe aime les parcelles propres, c’est sans doute pour cela qu’il fait aussi du désherbage manuel. « Le robot rend la culture de betteraves possible chez nous, mais il ne serait pas rentable si on n’avait que de la betterave sucrière », ajoute-t-il. L’Institut technique de la betterave (ITB) a expérimenté l’engin. « Ce n’est pas la technologie miraculeuse, mais c’est la seule qui permette de désherber le rang et l’inter-rang à presque tous les stades de la betterave, synthétise Thomas Leborgne, chargé de mission agroéquipement et modes de production. Moi, j’y crois pas mal. »