Article initialement paru le 29 février 2024, mis à jour le 14 janvier 2025.
Les professionnels français des céréales ont lancé lors du dernier Salon de l’agriculture un « plan de souveraineté » pour le blé dur, qui sert à faire les pâtes alimentaires et la semoule, pour relancer la production nationale et reconquérir des parts de marché sur le marché intérieur et à l'export.
Les surfaces consacrées à cette culture ont été divisées par deux en moins de 15 ans, poussant l’interprofession, avec l’appui des semenciers et des instituts de recherche, à construire un plan pour relancer la production. Il est chiffré à 43 millions d’euros sur cinq ans, et renouvelable. L'État contribuera à hauteur de 11 millions d'euros.
Le blé dur est dans une situation singulière. Sur le papier, la France, deuxième producteur européen derrière l'Italie, n'en manque pas. Mais, sur les 1,2 à 1,5 million de tonnes de grains produits par an (surtout en Occitanie et Centre-Val de Loire) ces dernières campagnes, plus de 500 000 t sont exportées vers d'autres pays de l'Union européenne et vers le Maghreb.
En parallèle, les deux tiers des pâtes alimentaires consommées en France sont importées, surtout d'Italie et d'Espagne. « On ne transforme pas assez notre blé dur en France (…) Si la production nationale continue à baisser, les industriels des pâtes basés en France risquent de se fournir davantage à l'étranger voire « de partir ailleurs », met en garde Jean-François Loiseau, ancien président d’Intercéréales.
Pour « rebâtir la souveraineté alimentaire de la France (en blé dur) en produisant plus et plus durablement », ce plan s’appuie sur trois volets. Le premier concerne la sécurisation des producteurs : « assurer une juste répartition de la valeur par le développement de la contractualisation et des démarches assurantielles ».
« Travailler sur le premier maillon »
« L’idée est de renforcer la contractualisation entre les agriculteurs et les OS. Il s’agit de travailler essentiellement sur ce premier maillon, sachant qu’on a un niveau de contractualisation assez important entre les OS et les transformateurs français qui se sont engagés », précise Frédéric Gond, président du comité de pilotage de la filière française du blé dur.
« Derrière, il y a l’engagement de volumes pour sécuriser l’ensemble de la chaîne, ajoute-t-il. Il y a aussi tout l’aspect "construction du prix" en tant que tel : c’est quelque chose d’assez délicat et sur lequel on peut amener un cadre permettant à l’agriculteur qui s’engage de, derrière, s’engager aussi sur un potentiel revenu ».
Côté assurantiel, il s’agit de construire un dispositif complémentaire aux outils existants, en visant notamment les risques liés à la qualité de la récolte. « Sur le quantitatif, on a les MRC (assurance multirisque climatique). Mais nous n’avons aucun mécanisme qui nous permette de sécuriser et d’encadrer l’aspect qualitatif », reprend-il.
Or « le blé dur, compte tenu du changement climatique est assez chahuté. C’est compliqué et c’est souvent la qualité qui en souffre. Cette année, on a par exemple eu le défaut de PS ».
La filière se penche ainsi sur divers outils comme l’instrument de stabilisation des revenus (ISR), proposé par la Pac depuis 2014 et en cours d’expérimentation dans la filière betteravière française.
Passer de 35 % à 45 % de pâtes produites en France
Le second volet du plan de souveraineté « blé dur » consiste à réduire l’empreinte carbone de la filière, notamment liée à la fertilisation. À l’horizon 2030, l’objectif est de diminuer de 20 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 2015.
Quant au troisième volet, il repose sur la recherche variétale. Il s’agit de chercher « des semences moins consommatrices de chimie », indique Jean-François Loiseau, et d’obtenir des blés durs plus résistants aux maladies et au manques ou aux excès d’eau.
Si le plan de filière ne fixe pas d’objectifs chiffrés en termes de hausse des surfaces implantés ou des volumes de blé dur produits, il projette de faire passer de 35 à 45 % en dix ans la part de pâtes « made in France » dans la consommation des Français.
« Aujourd’hui, 68 % des pâtes que l’on consomme sont fabriquées à l’extérieur de notre pays, et avec du blé dur souvent produit hors de France », abonde Frédéric Gond.
La consommation de pâtes en France ayant grimpé de 8 % en cinq ans, « l’idée est de travailler avec les transformateurs et notamment les marques, pour conquérir ces parts de marchés ».
Il s’agit donc de produire davantage de blé dur en France pour alimenter les usines françaises, mais aussi pour continuer à exporter vers l’UE et le Maghreb, en reprenant des parts de marché au Canada, premier producteur mondial et « principal challenger », mais aussi à des exportateurs émergents comme la Turquie et la Russie.