Maïs : la préservation des molécules herbicides restantes est l'affaire de tous

La gestion de la flore doit se raisonner comme un élément de la valeur patrimoniale de la parcelle, au même titre par exemple que la structure du sol.
La gestion de la flore doit se raisonner comme un élément de la valeur patrimoniale de la parcelle, au même titre par exemple que la structure du sol. (©Arvalis)

Largement utilisé sur maïs, maïs doux, maïs semence et sorgho, le S-métolachlore (S-MOC), présent notamment dans les spécialités Mercantor Gold ou Camix, était central dans la gestion des graminées estivales (panics, sétaires, digitaires) mais aussi des graminées à germination indifférente comme le ray-grass.

Son retrait fait craindre un report massif des usages sur le DMTA-P (Isard, Spectrum) et dans une moindre mesure la péthoxamide (Successor_600), autres molécules de la même famille des chloroacétamides et dont les performances sont similaires. Si le DMTA-P reste autorisé jusqu’en 2034 à l’échelle européenne, on peut raisonnablement s’attendre à une amplification de l’effort de recherche dans le milieu aquatique et, en corolaire, une fréquence de détection dans les eaux brutes en croissance.

Bien que marginal comparé au maïs, son usage est également possible sur sorgho, tournesol (Dakota-P), colza (Alabama, Novall Gold, Anitop) mais aussi betterave. Il revient dès lors à l’ensemble des filières de grandes cultures de réserver l’emploi de ces produits aux strictes situations le nécessitant. C’est d’ailleurs dans cet objectif que les trois instituts techniques concernés, Arvalis, ITB et Terres Inovia, aux côtés de BASF et avec le soutien de la distribution, ont produit en 2024 une plaquette rappelant le bon usage des herbicides à base de DMTA-P.

Pas ou peu de graminées, pas de DMTA-P !

Le raisonnement de l’usage du DMTA-P doit se faire en tenant compte de la flore attendue sur la parcelle. L’analyse des bases de données des essais Arvalis permet d’identifier les pressions « gérables » sans cette molécule.

Pour des pressions faibles à modérées (20 à 50 plantes/m² toutes espèces confondues), le DMTA-P n’est pas indispensable. D’autres produits racinaires, à base d’isoxaflutole (type Adengo Xtra ou Merlin Flexx) ou de pendiméthaline (type Atic Aqua), constitueront une base de prélevée généralement suffisante. D'autres produits sont également présentés dans le dépliant « protection du maïs » édition 2025.

Pour des pressions au-delà de 50 graminées par m² (ou 20 dans le cas où les sétaires sont majoritaires), le DMTA-P s’avèrera nécessaire. Généralement appliqué en post-semis prélevée, il pourra être positionné en postlevée précoce du maïs, pour gagner en persistance d’action sur les semis précoces notamment, mais toujours sur des graminées non levées ou très jeunes pour valoriser son action antigerminative.

Efficacité à 30 jours de Adengo Xtra à 0,44 l/ha sur graminées estivales selon la densité présente dans le maïs et les conditions d’application de l’herbicide
Efficacité à 30 jours de Adengo Xtra à 0,44 l/ha sur graminées estivales selon la densité présente dans le maïs et les conditions d’application de l’herbicide. (©Arvalis)

7 = note de satisfaction correspondant à un désherbage jugé acceptable pour un agriculteur ;
PSD = panics, sétaires, digitaires

À 30 jours, l’Adengo Xtra permet de contrôler des populations de graminées moyennes à modérées en prélevée. Un rattrapage peut être nécessaire en particulier lorsque les conditions d’application ne sont pas optimales.

Des recommandations d’usage spécifiques sur les zones à enjeux eau

En vue de limiter les risques de transfert vers les eaux de captages, BASF a établi des recommandations spécifiques pour les parcelles situées en aires d’alimentation prioritaires :

  • Ne pas dépasser 864 g de DMTA-P/ha (ex. 1,2 l d’Isard max).
  • Ne pas dépasser 1152 g sur 2 ans sur les aires d’alimentation des captages prioritaires (équivalent 0,8 l d’Isard chaque année).

Il est ainsi possible de faire 1,2 l d’Isard un an sur deux ou 0,8 l tous les ans ; son usage ne doit pas être systématique mais, au contraire, raisonné en fonction de la flore et de la présence de graminées estivales entre autres.

Des résistances qui progressent sur les herbicides de postlevée

De par la manière dont ils sont métabolisés par les adventices, les produits foliaires utilisés en postlevée de la culture ont tendance à sélectionner des résistances. Leur usage répété dans le temps peut conduire à des baisses de sensibilité des adventices voire à des échecs de désherbage. Le nicosulfuron, largement utilisé sur maïs, a vu sa note d’efficacité de désherbage décroître de presque 2 points sur les 20 dernières années, en dépit des évolutions de formulations et du matériel de pulvérisation.

Évolution de l’efficacité et de la proportion de situations avec une efficacité satisfaisante du nicosulfuron sur les principales graminées estivales
Évolution de l’efficacité et de la proportion de situations avec une efficacité satisfaisante du nicosulfuron sur les principales graminées estivales (efficacité évaluée un mois après application, maïs au stade 12-14 F). (©Arvalis)

Varier les modes d’action à la parcelle et surtout à l’échelle des différentes cultures de la rotation permet de limiter grandement ces risques de sélection de résistances. Mais attention, plusieurs molécules ou produits peuvent avoir le même mode d’action. C’est le cas par exemple du nicosulfuron, du foramsulfuron (MonsoonActive, Equip), du rimsulfuron (Bridge)  ou du thiencarbazone-méthyl (MonsoonActive, Capreno mais aussi AdengoXtra). Ils inhibent tous la même enzyme (ALS) intervenant dans la synthèse des acides aminés.

La résistance est naturellement présente dans les populations d’adventices et c’est l’emploi répété des mêmes modes d’action qui la sélectionne en éliminant les individus qui n’ont pas la résistance. Les risques d’augmentation de la fréquence des résistances sont donc cumulatifs pour ces molécules. De plus, l’usage de sulfonylurées sur d’autres cultures de la rotation (ex. mésosulfuron sur céréales) va encore renforcer la pression de sélection sur les populations d’adventices, aussi bien sur les graminées estivales, telles que la sétaire, que sur le raygrass dont la période de germination couvre plusieurs cycles culturaux.

La gestion de la flore doit donc se raisonner comme un élément de la valeur patrimoniale de la parcelle, au même titre par exemple que la structure du sol, et se faire à l’échelle pluriannuelle en privilégiant tous les leviers agronomiques aussi bien en culture que pendant les périodes d’interculture (labour occasionnel, rotation, désherbage mécanique, etc.).

Auteurs : Valérie Bibard, Sandrine Volan (Arvalis).

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