La France pourrait être privée d’exports vers les pays tiers à partir de la fin du mois, lisait-on dans la presse et sur les réseaux depuis ce week-end, alors que le journal l’Opinion révélait vendredi que l’utilisation de la phosphine par fumigation directe des céréales pour en éliminer les insectes sera interdite en France à partir du 25 avril.
C’est l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) qui a formulé cette interdiction en octobre dernier. Or, plusieurs pays importateurs de céréales françaises - Algérie, Maroc, Égypte, Côte-d’Ivoire, Sénégal - exigent cet usage de la phosphine dans leur cahier des charges.
Alors que la France s'est hissée en 2022 au quatrième rang des exportateurs mondiaux de blé, dans le contexte de la guerre en Ukraine, producteurs et négociants ont fait part ces derniers jours de leurs inquiétudes, ne voyant « aucune solution » se profiler à moins de quinze jours de l'échéance.
L’information a notamment fait réagir sur Twitter : « Encore se tirer une balle dans le pied pour la France et une dans la tête des céréaliers ! », « Cette bureaucratie qui nous coûte cher et qui étouffe notre pays ! C’est effarant ». « Et ils ont fait quoi depuis le 22 octobre suite à cette décision ? Ont-ils réfléchi à une autre solution ? », demande un autre internaute.
La filière céréalière française travaille, en lien avec @Agri_Gouv et @francediplo, pour éviter que cette décision administrative incompréhensible de l’ #ANSES ne soit effective le 25 avril. https://t.co/QaemNvgXYM
— Intercereales (@intercereales) April 8, 2023
« Ces pays importateurs vont trouver des solutions pour quand-même recevoir les blés français. Peuvent pas se permettre de supprimer une source d'approvisionnement », renchérit un troisième. « M'est d'avis que ces céréales ne passeront pas par nos ports mais par des ports espagnols, italiens etc. On exportera mais avec un départ depuis un autre pays de l'UE », estime un quatrième.
Mardi 11 avril, plusieurs députés ont donc interpellé le gouvernement sur les conséquences de la décision de l’Anses, soulignant la menace qu’elle fait planer d’une part sur la balance commerciale française et sur sa place de premier exportateur européen, et d’autre part sur la sécurité alimentaire des pays acheteurs.
Interdiction de la phosphine par l'ANSES | @FelicieGerard (HOR) demande au Gvt : "Comment comptez-vous réagir afin de ne pas laisser les céréaliers sans solution, et de ne pas faire subir à la France des contraintes à l'export qui seraient dévastatrices ?"#DirectAN #QAG pic.twitter.com/Rcx2nZ0gdz
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) April 11, 2023
« Nous allons donc faire ce qu'il faut. Il y a encore des clarifications juridiques à apporter, mais je puis vous garantir que d'ici au 25 avril, des décisions seront prises pour que les exportations puissent se poursuivre », a rassuré Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.
« La France va continuer à exporter des céréales », a renchéri le ministre de l'agriculture Marc Fesneau. Elle le fait dans le cadre du droit européen qui permet de déroger à l'interdiction : « il existe un régime juridique spécifique qui permet l’application de phytosanitaires sur les produits agricoles exportés, quand c’est une exigence du pays d’accueil, à partir du moment où la molécule n’est pas interdite au niveau européen ». C’est le cas de la phosphine.
Elle va aussi le faire « au nom de la vocation exportatrice de notre pays », et « parce que l'Allemagne le fait pour l'Algérie et le Maroc, la Bulgarie pour l'Algérie, ou encore la Roumanie pour la Côte d'Ivoire », a-t-il détaillé.
D’ajouter : « Notre objectif est clair : permettre de continuer à exporter des céréales, notamment vers les pays du Maghreb. C’est une question de sécurité alimentaire mondiale mais aussi de géopolitique dans le contexte de la guerre en Ukraine ».
Dans ses dernières estimations, FranceAgriMer évaluait à 10,5 Mt les exportations françaises de blé vers les pays tiers pour 2022/23 et notait à huit mois de campagne un dynamisme accru des expéditions vers l’Algérie, le Maroc et l’Égypte par rapport à 2021/22.