10 conseils de jeunes installés, aux étudiants, pour réussir leur installation

Travaux pratiques de la mineure transmission-reprise d'UniLaSalle
Des travaux pratiques permettent un équilibre entre l’apport de connaissances théoriques et leur mise en application, sur le terrain. (©Terre-net Média)

Neuf jeunes agriculteurs et agricultrices, installé(e) s depuis peu, se sont prêtés au jeu des questions/réponses des 40 étudiants inscrits à la première édition de mineure « transmission-reprise d’exploitations agricoles" d’UniLaSalle en décembre 2023 (elle est reconduite, pour la 2e année, du 9 au 22 décembre 2024). Ces derniers, répartis par équipe de quatre ou cinq, ont choisi autant que possible les fermes en fonction de ce qu’ils envisagent pour leur propre installation en agriculture. Pour les aider, un guide d’entretien recense les principaux sujets à aborder (profils des jeunes exploitant(e) s, projets, parcours, obstacles rencontrés, solutions trouvées).

Conseil n°1 : se former suffisamment

L’un des groupes s’est rendu sur l’exploitation d’Alexandre Smessaert à Roy-Boissy, près de Beauvais dans l’Oise. Ayant rejoint en juillet 2023 le Gaec familial Agri Roy (230 ha de SAU, 110 vaches laitières et 2 ha de vignes implantées à son initiative en 2022), il sort de la même école qu’eux, UniLaSalle, après un bac scientifique. « Être suffisamment formé pour s’installer est essentiel. Pour être agriculteur, il faut être bon techniquement, en gestion, être ouvert d’esprit… Soit détenir, au minimum, un BTS ! », insiste-t-il auprès des élèves venus l’interroger.

Au minimum un BTS !

Alexandre Smessaert explique, en vidéo, pourquoi il a participé à cette initiative et pourquoi il est important, en tant qu’agriculteur récemment installé, de témoigner auprès des jeunes en formation :

https://dai.ly/k2ZY4B7XHe2oifC44Bw

Conseil n°2 : vivre d’autres expériences avant

Avant son installation, il a été salarié six mois sur la structure familiale, après deux ans dans le conseil agricole. « J’ai pu voir différents systèmes de production. Une autre expérience avant de s’installer apporte de l’ouverture d’esprit », leur explique-t-il. Partir à l’étranger, sortir de sa zone de confort, ne peut qu’être bénéfique, d’après lui.

Sortir de sa zone de confort.

Mais il a toujours souhaité revenir sur l’exploitation parce que c’est une histoire de famille, depuis trois générations. « La ferme a été créée par mes grands-parents, avant d’être reprise par mon père et mon oncle », précise-t-il. Un attachement, familier aux jeunes du milieu agricole, que les élèves qui n’en seraient pas issus peuvent ainsi ressentir. Comme la passion pour le métier d’agriculteur et d’éleveur, indispensable pour l’exercer. « Les cultures et les vaches m’ont toujours passionné », met en avant Alexandre.

Conseil n°3 : apporter sa patte

Pour les installations familiales encore davantage, il importe d’apporter sa patte, fait-il remarquer. Lui a réimplanté de la vigne dans une parcelle où ses ancêtres au 12e siècle en cultivaient.

Ne pas tout faire comme papa maman.

« Je ne voulais pas tout faire comme papa maman. Pendant mes études, j’ai pris l’habitude de gérer des projets, j’avais envie de continuer. Cela permet de s’ouvrir à d’autres choses, d’essayer d’innover, car nous ne sommes pas du tout dans une région viticole, et donner une autre dimension à l’existant. »

Conseil n°4 : attention, les démarches sont longues

Mais il ne faut pas se lancer tête baissée, met-il en garde. « Il y a de gros enjeux financiers derrière, surtout avec un délai de cinq ans entre la plantation et la première bouteille ! ». Alors il s’est formé (BTS viti-œno à distance), a réalisé plusieurs stages et visité différents domaines. En parallèle, il continuait à travailler tout en commençant son parcours d’installation agricole. Pas simple de tout mener de front, lance-t-il à ses jeunes interlocuteurs, avec tous les rendez-vous à prendre : chambre d’agriculture, MSA, centre de gestion, banque, assurance, notaire, Jeunes Agriculteurs…

Pas simple de tout mener de front.

Il les prévient de la longueur et des multiples démarches à effectuer, et parle du stage 21 h : l’ensemble « des professionnels auxquels on aura affaire sont là, on peut leur poser nos questions, voir avec eux les formations dont on a besoin, avoir un premier avis sur la faisabilité de notre projet. Mais autant d’intervenants et d’informations, c’est beaucoup d’un coup ! »

Conseil n°5 : connaître et maîtriser ses chiffres

Le jeune installé enchaîne sur le plan d’entreprise ou PE. « Indispensable de connaître et comprendre les chiffres et ratios clés pour piloter son entreprise à la virgule près et s’assurer que l’installation soit viable : l’EBE bien sûr, mais aussi la valeur ajoutée, le lien entre rémunération du travail et prélèvements privés… », insiste-t-il.

Une masse de données à décortiquer sur cinq ans.

Avant d’alerter les étudiants : « Une masse de données à décortiquer sur cinq ans. Mais comment prévoir sur aussi longtemps avec les variations de prix, imprévisibles et qui peuvent être fortes et brutales, les aléas climatiques, de marché, sanitaires, les nombreuses inconnues et notamment combien seront payées nos productions, ce qui est d’ailleurs spécifique à notre secteur ? » Autant d’éléments qui font « qu’on peut encore moins se louper que les générations précédentes », poursuit-il

Conseil n°6 : sécuriser le foncier

Le jeune agriculteur évoque ensuite un autre point de vigilance dans une transmission-reprise d’exploitation : le foncier agricole, surtout quand on a comme lui 28 propriétaires. « Il faut les rencontrer un par un, se présenter, les avertir qu’on va s’installer, vérifier la date d’expiration des baux, conseille-t-il. Le bail rural est un outil de travail, un exploitant ne peut pas se permettre de perdre des hectares, d’autant plus un futur installé car cela pourrait remettre en cause le PE. » Heureusement, souligne-t-il, il n’a pas eu à acheter de terres, elles sont entièrement en location, car vu le prix et la concurrence dans la région, sans oublier les dessous-de-table, et la pression foncière…

On ne peut pas se permettre de perdre des hectares !

Ayant rejoint une société agricole, il lui a fallu reprendre des parts sociales, détaille-t-il encore. Et leur évaluation n’est pas simple. « Il faut trouver le juste prix entre le cédant, l’associé qui partait ici, et le repreneur. Ça représente quand même une grosse somme ! » Il faut être vigilant également sur les comptes associés. « On peut facilement se faire avoir. Or, ils ajoutent de la dette, ce qui peut avoir un lourd impact. »

Alexandre Smessaert agriculteur avec des étudiants.d'UniLaSalle
Alexandre Smessaert, jeune agriculteur récemment installé, en pleine discussion avec les étudiants. (© Terre-net Média)

Conseil n°7 : être vigilant sur l’outil de production

Autre recommandation : faire attention à l’outil de production qu’on reprend. « Il doit être en bonne santé économique, avec un bon EBE et un résultat correct tous les ans, des produits bien gérés et des charges maîtrisées, et dégager du revenu, ce qui sécurise même si on a toujours des craintes. » Niveau rémunération, Alexandre incite à se fixer un objectif. Lui ne veut pas gagner moins que 2 à 2,5 Smic, une fois les premières années d’activité passées. « Pourquoi perdre en salaire par rapport à mon ancien boulot, en travaillant bien plus et en étant chef d’entreprise ! Vu le temps consacré et la charge mentale, faut pas moins de 2 000 € brut/mois. »

Pas moins de 2 000 € brut/mois.

Conseil n°8 : gare au temps de travail

Les conditions et le temps de travail sont tout aussi importants. L’exploitation est équipée de robots de traite, de raclage et repousse-fourrage, d’un taxi-lait. Le système a été simplifié : une distribution quotidienne aux vaches et un mélange pour trois jours aux génisses. « Je veux pouvoir me former et former les jeunes, sur la ferme ou en intervenant dans les établissements, me libérer pour des rendez-vous perso, et prendre des vacances : 15 jours chaque année à l’idéal.

Pouvoir se libérer.

« Je bosse 60 h/semaine mais je suis moins fatigué qu’avant, car je m’organise comme je veux. » La structure compte deux jeunes salariés agricoles pour pouvoir dégager un peu de temps. Alexandre sensibilise les étudiants d’UniLaSalle sur l’intérêt de les faire monter en compétence et de les fidéliser via le salaire, un bon management et en veillant à leur bien-être.

Conseil n°8 : étudier les différents financements

Alexandre aborde ensuite le financement, essentiellement des emprunts bancaires dans son cas, sachant qu’il a bénéficié de la DJA (dotation jeune agriculteur), indique-t-il, leur spécifiant qu’elle est conditionnée au respect des engagements du PE. Il évoque, en outre, d’autres aides disponibles comme le dispositif Acre de France Travail (anciennement Pôle Emploi), le financement participatif auquel il a eu recours pour financer le projet « vignes », et les offres « jeunes » des différents partenaires (coopératives, laiteries, banques, assurances…). Il conseille d’ailleurs d’aller voir toutes ces entreprises pour savoir ce qu’elles proposent.

Conseil n°9 : se faire accompagner, s’entourer

Face à tous ces éléments auxquels veiller, le jeune installé reconnaît l’utilité de se faire accompagner par des spécialistes, dans le domaine juridique en particulier, pour les baux, les autorisations d’exploiter, etc. ; toute la réglementation étant très complexe. « Vu le nombre de dossiers qu’ils étudient, ils font preuve du recul qu’on n’a pas forcément. Parfois, remettre en question certaines orientations prises peut s’avérer profitable. » Bien s’entourer et prendre le temps de réfléchir son projet, voilà ce qu’il préconise à ses jeunes interlocuteurs, pour éviter de trop « galérer ».

Le recul d’un regard extérieur.

Il recommande également de nouer des relations avec les autres agriculteurs, pour pouvoir demander conseil et s’entraider, et de participer à groupes techniques, pour le matériel (Cuma), etc. Concernent le matériel justement, vu les charges que ce poste représente, il suggère de faire appel aux Cuma et de déléguer certains travaux, la prestation de services « coûtant autant voire moins cher surtout vu le gain de temps derrière ». « On ne peut pas tout faire, cela permet de se concentrer sur les activités jugées plus prioritaires. »

Conseil n°10 : s’adapter, innover, en permanence

Enfin, il insiste sur l’importance d’avoir toujours des projets en tête. Dans la sienne, « un projet en appelle un autre ». Il envisage notamment d’augmenter la surface de vignes, de revoir le système fourrager, de refaire le bilan carbone de l’exploitation. Et des projets, il y en a, au quotidien, sur la ferme puisqu’il faut en permanence adapter les pratiques au contexte, environnemental, économique, dans le but aussi d’améliorer le revenu, la charge et le confort de travail.

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