Reportage chez Bernard Mercier (80)
Le strip-till : un outil de transition vers l'ACS pour les cultures de printemps

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« Sur l'exploitation, on recherche l'autonomie alimentaire au maximum pour les bêtes, comme pour le sol », explique Bernard Mercier, polyculteur-éleveur laitier lors d'une journée organisée par l'Apad mi-avril sur le thème de l'ACS. La vie du sol, il s'y intéresse depuis longtemps, ses parents avaient déjà mis en place les couverts végétaux sur l'exploitation. 

En parallèle, l'agriculteur a aussi travaillé à réduire le recours aux produits phytosanitaires via le passage en bas-volume intégré et la mise en place d'autres leviers agronomiques (décalage des dates de semis...), là encore pour une meilleure vie du sol. Concernant le travail du sol, Bernard Mercier a complètement arrêté le labour il y a une dizaine d'années. « La transition s'est faite progressivement, d'abord sur les cultures d'hiver : pour les blés derrière colza et pois, puis derrière maïs, etc », indique-t-il. Le frein est plus important du côté des cultures de printemps.

Réduire le travail du sol, une étape plus délicate pour les cultures de printemps

« Mais en 2001, année fort humide, on n'a pas pu labourer. On a juste déchaumé et on s'est rendu compte que ça fonctionnait très bien sur maïs, puis on a ensuite testé sur  betteraves », explique l'agriculteur. Il utilise plutôt un décompacteur ou un déchaumeur à dents queue de cochon (travail à 15-20 cm de profondeur, puis à 10 cm après). « De fil en aiguille, on a aussi mis en place les couverts multi-espèces (trèfle d'Alexandrie, phacélie, moutarde, triticale et vesce par exemple) sur la ferme depuis 6-7 ans et on a rapidement observé des bénéfices sur la vie du sol : plus de vers de terre et + 0,2 % de MO en 5 ans... Ça nous a poussés à limiter au maximum le travail du sol ». Bernard Mercier se penche alors sur le strip-till, technique qui consiste à travailler uniquement les futures lignes de semis. Les essais ont démarré en 2018, sur betteraves : « le plus compliqué, selon l'agriculteur. Le résultat n'était pas mal, malgré quelques pertes à la levée », observe-t-il.

Parmi les avantages du strip-till mis en avant : « des économies de carburant, une meilleure exploration racinaire et une meilleure portance du sol. Cela se voit notamment au moment des épandages de lisier en septembre ou au printemps, et aussi lors des récoltes ». Dans une parcelle de maïs fourrage réalisée au strip-till l'an dernier, Bernard Mercier a gardé une partie en techniques culturales simplifiées (TCS) pour comparaison, résultat : + 1,2 t de MS/ha en strip-till par rapport à la partie en TCS.

Retrouvez ci-dessous les itinéraires techniques mis en place par Bernard Mercier en betteraves et maïs :  

Itinéraire technique de la betterave pour Bernard Mercier.
(©Apad)

Itinéraire technique du maïs pour Bernard Mercier
(©Apad)

Quels points d'attention ? 

« Le strip-till complique tout de même la tâche, il ne faut pas se voiler la face », reconnaît l'agriculteur. Les couverts végétaux sont importants dans ce système, ils viennent structurer la ligne de semis. Et aussi, il faut savoir être patient et attendre que la terre soit prête pour intervenir, c'est-à-dire qu'elle soit suffisamment ressuyée et réchauffée. Attention à ne pas utiliser de dents trop longues, qui pourraient former des cavités trop importantes dans le sillon. 

Pour l'accompagner, Bernard Mercier peut s'appuyer sur les échanges et les partages d'expériences avec d'autres collègues agriculteurs au sein de l'Apad ou de son GIEE "Sols vivants Plateau picard". Ainsi, d'après les essais réalisés en lien avec les agriculteurs du GIEE, la Chambre d'agriculture (CA) de la Somme leur préconise de réaliser dans l'idéal « deux passages de strip-till pour les betteraves : un à l'automne avec une dent fissuratrice pour un travail en profondeur (15 cm) sur la ligne de semis. Et une reprise au printemps avec une dent fine ou un disque gaufré pour un travail superficiel (5 cm), de façon à préparer le lit de semences ». Pour le maïs, la CA recommande « un passage au printemps, avec la dent fissuratrice ou la dent fine selon le ressuyage. Deux passages sont possibles en terres argileuses ».

Une transition vers le semis direct ? 

Selon un sondage publié sur Terre-net en avril 2022, 2,2 % des agriculteurs pratiquent le strip-till sur maïs. Pour Bernard Mercier, il reste encore beaucoup d'interrogations, il réfléchit à d’autres manières de faire : « d’une année sur l’autre, ce n’est jamais pareil ! » L'année dernière, il a fait un test plutôt concluant de semis de maïs en direct sur 3 ha. Il compte réessayer cette année, avec son nouveau semoir Sly (50 cm d'écartement).

Pour l'agriculteur, le strip-till pourrait être une étape de transition vers le semis direct pour les cultures de printemps : « peut-être pas en betteraves, car le coût de la graine est différent. Mais en maïs, je pense qu’on y arrivera ». 

« Avant tout changement, il est important de diagnostiquer l'état structural de ses sols pour partir sur de bonnes bases. Avoir une vision globale permet d'identifier la marche à suivre », alerte Jérôme Tellier, ingénieur Somea et animateur bassin versant de la Nièvre, de la CA de la Somme. Il met en avant notamment le mini-profil 3D pour un diagnostic rapide : méthode intermédiaire entre le test bêche et le profil cultural.

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