La mise en œuvre de la Pac, la réglementation et le niveau des prix pèsent sur le moral des agriculteurs , aussi bien en France qu’en Allemagne. La dégradation de la situation économique de leur exploitation agricole est un sentiment partagé des deux côtés du Rhin. Elle est perceptible depuis le début de l’année 2014 et s’inscrit dans la durée. Les agriculteurs des deux pays n’attendent en effet aucune amélioration d’ici deux à trois ans. Mais davantage d'agriculteurs allemands estiment tout de même la situation économique de leur exploitation favorable plutôt que défavorable. La proportion est inversée en France.
Tel est le principal enseignement d’une enquête menée conjointement en Allemagne et en France, à la fin de l’année passée, par les instituts Ifop et Produkt Markt auprès de 2.500 agriculteurs. Cette étude a été commandée par la Fnsea et son homologue allemand, la Dbv.
Ceci dit, le pessimisme plus prononcé des agriculteurs en France qu’en Allemagne ne reflète-t-il pas d’abord la nature psychologique de l’ensemble des Français, en n’épargnant pas, par conséquent, les agriculteurs ? Ou bien correspond-il à la situation économique réelle de leur exploitation, structurellement plus fragile et donc plus vulnérable ?
L’enquête franco-allemande ne permet pas de répondre à cette question. En revanche, la dégradation de la situation économique des exploitations céréalières observée de part et d’autre du Rhin est plus brutale que celle des autres secteurs d’activité. Et elle est davantage prononcée pour les agriculteurs français que pour leurs confrères allemands (2d graphique). En Allemagne, une majorité de céréaliers estiment leur situation encore favorable plutôt que défavorable. En France, la proportion est là encore inversée et surtout la dégradation a été particulièrement brutale.
Fin 2012, ces céréaliers étaient proportionnellement aussi nombreux que les Allemands à déclarer que leur exploitation était dans un bon état de santé économique. C'était la seule filière à avoir atteint ce niveau.
Pas de perspective de redressement
Les résultats des enquêtes des deux instituts de sondage sont en phase avec les dernières prévisions de revenu pour 2014 et reflètent les difficultés vécues sur le terrain.
En France « près de 40 % des exploitants ont rencontré des difficultés lors des trois derniers mois contre 13 % en Allemagne. Les difficultés allemandes concernent toujours les aléas climatiques alors qu’en France elles se concentrent sur la baisse des cours de production , les charges d’exploitation et le poids de la réglementation environnementale », analysent l’Ifop et Produkt Markt.
La situation des éleveurs hors sol allemands et français s’est dégradée l’an passé dès l’instauration de l’embargo sur les importations de produits agricoles décrété par la Fédération de Russie. Durant l’automne, la dégradation était moins prononcée pour les éleveurs laitiers qui profitaient encore de la bonne conjoncture des marchés des produits laitiers, surtout dans l'Hexagone.
Mais il semble que la dégradation économique, actuellement ressentie par les agriculteurs interrogés par les instituts de sondage, soit plus rapide en Allemagne. Elle s’inscrit dans la durée et sans perspective de redressement à court terme.
Le pessimisme a déjà gagné les deux rives du Rhin. A l’horizon de 2017/2018, les agriculteurs allemands pensent qu’ils seront en effet plus nombreux à être dans une situation plus défavorable que favorable ; un sentiment qui sera alors quasiment partagé dans la même proportion par les Français.