La diversification des cultures via l’allongement des rotations peut-il permettre de réduire les intrants chimiques tout en restant compétitif ? C’est un peu ce qu’a voulu savoir la chambre d’agriculture des Pays-de-la-Loire en lançant des essais en 2017. Sur la plateforme d’essais de Saint-Fort, dans le Sud Mayenne, une rotation de cultures est testée sur dix années, sur sept bandes de 1 200 m2, plus une bande de référence (rotation sur quatre ans).
C’est sur cette même parcelle que des essais avaient été conduits de 2010 à 2017 sur des systèmes de culture innovants, mais sans allongement de la rotation. Et à la fin, le constat était rude : les adventices étaient devenues de plus en plus compliquées à gérer.
La rotation dans le détail
Cette rotation sur dix ans mise en place en 2017 vise à couper le cycle de levée des adventices, en implantant par exemple deux cultures de printemps à la suite. Une luzerne est installée avec le tournesol. Selon son état l’hiver, on peut faire un sursemis de méteil qui sera fauché en sortie d’hiver. Deux ans plus tard, la luzerne est détruite par un simple labour pour installer un blé derrière. Si besoin, on désherbe mécaniquement.
Après la moisson de blé, on réalise des faux-semis et on installe un couvert à base de phacélie-sarrasin avant l’installation en sans labour (comme pour le restant de la rotation) de la première culture de printemps, une association orge-pois. Le désherbage est mécanique. L’association d’espèces sert à la fois à concurrencer les adventices et limiter la verse. Un colza de variété précoce, associé à un trèfle, est ensuite implanté après un travail superficiel du sol. Un recours à un herbicide peut être envisagé si besoin.
Après la moisson du colza, l’objectif est de pouvoir pratiquer un semis direct de blé dans le trèfle, mais jusqu’à présent, c’était impossible, le trèfle n’étant pas assez développé. Comme pour le colza, le choix de la variété de blé a son importance : des variétés peu sensibles, semées tardivement vers le 10 novembre pour réduire le risque de pucerons. Pas de régulateur, un seul herbicide, et peu de fongicide durant la conduite de la culture.
Après la moisson, on enchaîne méteils et cultures de printemps (maïs ensilage et chanvre), et « cela fonctionne très bien » se réjouit Fabien Guérin, conseiller agronomie de la chambre d’agriculture. Le méteil est semé avec de l’avoine et de la vesce. L’avoine permet de bien concurrencer les adventices. Le chanvre ne nécessite aucune intervention. La parcelle est propre, le blé peut y être implanté en semis-direct, pour un coût qui n’excède pas 40 €/ha. La conduite de toutes ces cultures consiste donc à s’adapter en permanence et arbitrer de façon à limiter le plus possible l’usage de la chimie. « On utilise tous les outils et on les positionne en fonction des cultures et des objectifs de la rotation, résume Fabien Guérin. On fait donc aussi bien du semis-direct que du labour selon les cas de figure et on utilise des techniques simples et peu énergivores quand c’est possible ».
Un IFT réduit de 71 %
Les adventices sont globalement assez bien maitrisées, sauf les vivaces dans la luzerne. « Le désherbage mécanique sur les cultures d’hiver et mélanges orges et pois de printemps est parfois impossible » glisse le conseiller agronomie. L’objectif de baisse de produits phytos est atteint, l’IFT est réduit de 71 %. Les rendements moyens sont très variables d’une culture à l’autre. En tournesol c’est très mauvais : 9 q/ha contre 25 pour la parcelle de référence. C’est également décevant en pois (21 q/ha contre 35). En revanche, les rendements sont satisfaisants en maïs (11,5 t), colza (31 q/ha) et blé (70 q/ha).
Les résultats économiques sont inférieurs aux objectifs : le produit brut s’établit à 1 308 €/ha et la marge brute avec aides à 1 096 €/ha à l’échelle de la rotation, soit respectivement - 20 % et - 16 % par rapport à la référence. Le produit brut du système de culture de référence (colza-blé-maïs-blé) testé sur la même parcelle avec de très bons résultats s’établit en effet à 1 630 €/ha et la marge brute à 1 300 €/ha.
Notons également également pour ce système à rotation longue la hausse importante de consommation de carburant, + 34 %, et surtout le temps de travail à l’hectare qui augmente de 37 %. « C’est énorme ! » reconnait Fabien Guérin. Les voies d’amélioration « passeront par une meilleure réussite des implantations de cultures, notamment la luzerne », se dit l’ingénieur agronome. Mais pour le temps de travail et le carburant, « c’est difficile, quand on a recours au désherbage mécanique ».