Du côté des contournements de variétés RM9 (résistantes aux races 100, 304, 307, 314, 314, 334, 703, 704, 710 et 714), seuls cinq cas ont été signalés à Terres Inovia, dont quatre sur des variétés déjà vues contournées ces dernières années. Au total depuis 2018, Terres Inovia a donc eu connaissance de phénomène de contournement de résistance sur 77 parcelles, majoritairement situées dans le Sud-Ouest (Haute-Garonne et Gers principalement), quelques cas ayant également été signalés en Poitou-Charentes et dans le Centre. Un maximum de 9 parcelles a été recensé pour chacune des 28 variétés concernées.
Des variétés caractérisées face à l’isolat contournant le plus fréquent
La majorité de ces contournements concerne des variétés équipées d’un seul gène de résistance efficace, le gène Pl8, qui a donc perdu son efficacité suite à l’implantation trop fréquente de variétés avec cette seule solution génétique. À l’issue de la campagne 2020, Terres Inovia a proposé aux semenciers de caractériser les variétés qu’ils souhaitaient face à un isolat de la race 714 contournant ce gène Pl8. Parmi les 57 variétés proposées, une trentaine de variétés évaluées par Terres Inovia en post-inscription, se sont avéré résistantes à cet isolat. Ces variétés sont identifiées dans MyVar avec la mention RM8# ou RM9#. Une vingtaine d’autres variétés, non évaluées en post-inscription par Terres Inovia, apparaissent également résistantes à cet isolat.
Ceci indique que leur construction génétique comporte un ou plusieurs autres gènes, différent(s) de Pl8, capables de contrôler cet isolat. Ces variétés apportent donc une sécurité, notamment dans les parcelles où des contournements ont été observés ces dernières années. Cependant, l’isolat face auquel elles ont été testées, s’il est probablement le plus fréquent dans les parcelles concernées, n’explique pas tous les cas de contournements ; d’autres isolats « contournants » ont en effet été identifiés (plusieurs autres isolats de type 714, isolats de la race 334), signant l’existence du contournement d’autres gènes que Pl8. Ceci explique donc pourquoi certaines de ces variétés ont été vues contournées sur le terrain depuis 2018. Le choix de ce type de variété, plus sécuritaire dans la majorité des situations délicates (parcelles avec contournement, parcelles sans possibilité d’allongement de la rotation) n’apporte donc pas de garantie absolue face au mildiou, car le risque zéro n’existe pas... Veillez également à ce que ces variétés ne présentent pas de caractère rédhibitoire pour votre situation.
Des leviers à combiner pour bien gérer le risque sur la durée
Même si ces contournements compliquent la situation, le mildiou n’est pas une fatalité. La lutte génétique et les traitements de semences se diversifient : des dérogations ont été accordées pour l’Apron XL à base de métalaxyl-M et le Lumisena à base d’oxathiapiproline pour les semis 2022 (du 1er mars au 29 juin 2022). L’utilisation du Plenaris (à base d’oxathiapiproline) est sous réserve de l’obtention de la dérogation.
Associés aux bonnes pratiques agronomiques, on dispose donc d’un arsenal étoffé de moyens à combiner pour passer ce cap. L’objectif de notre conseil est de limiter au maximum les risques d’attaque dans toutes les situations et freiner la progression des contournements, en préservant l’efficacité des résistances et des solutions fongicides pour les campagnes suivantes.
À la base de la protection, les mesures agronomiques !
Le mildiou est capable de se conserver plus de dix ans dans le sol. L’inoculum, produit à la suite d’une attaque, accroît le risque mildiou pour les 3 ou 4 années qui suivent.
- Une gestion durable de ce risque passe d’abord par une rotation où le tournesol revient au maximum une année sur trois.
- Semez dans un sol bien ressuyé et réchauffé, et retardez autant que faire se peut le semis si de fortes pluies sont annoncées les jours suivants, afin d’esquiver les conditions favorables aux infections : pas d’eau, pas de mildiou !
- Détruisez par un désherbage adapté toutes les espèces pouvant héberger le mildiou : repousses de tournesol (y compris dans les autres cultures) et mauvaises herbes comme l’ambroisie à feuilles d’armoise, le bidens, le xanthium.
- Evitez les plantes hôtes du mildiou en interculture susceptibles de multiplier l’agent pathogène, telles que le niger, la sylphie ou les repousses de tournesol. L’utilisation de tournesol en graines de ferme dans les couverts est également à proscrire, d’autant plus que cette pratique n’est pas autorisée par la réglementation.
N’oubliez pas cet ensemble de bonnes pratiques pour le tournesol en dérobé !
L’alternance dans le choix variétal et le traitement de semences sont les deux autres piliers de la protection
Quatre situations sont à distinguer afin de réduire le risque mildiou à la parcelle et préserver l’efficacité des résistances des variétés et des traitements de semences disponibles (voir tableau). Ces situations sont classées de la plus fréquente à la moins fréquente (de gauche à droite) sur le territoire.
- Une rotation longue est préconisée dans tous les cas.
- L’alternance dans le choix variétal. Elle a pour objectif de maximiser les chances de changer, au fil des campagnes, les gènes Pl auxquels on expose le mildiou dans la parcelle et donc de réduire les risques de contournements. De plus, l’efficacité des gènes de résistance est plus durable lorsque plusieurs gènes sont cumulés dans la variété. La présence d’un seul gène efficace augmente le risque de contournement (ce qui s’est passé avec le gène Pl8, utilisé seul dans plusieurs variétés RM9 contournées).
Terres Inovia ne pouvant accéder à l’information sur les gènes de résistance présents dans les variétés, notre conseil pour cette alternance ne peut se baser que sur un changement de génétique et de profil RM, même si cela ne garantit pas un changement effectif des gènes Pl. Nous vous invitons donc à vous renseigner auprès de votre fournisseur pour que vous puissiez partir sur un choix le plus éclairé possible et donc le plus protecteur pour le long terme, vous permettant de contrôler le mildiou sans traitement de semences.
En effet, cette information sur la construction génétique des variétés est déterminante pour le traitement de semences : la solution idéale est d’utiliser des variétés cumulant plusieurs gènes efficaces sans traitement de semences, ce qui permet de maintenir à la fois l’efficacité des gènes et l’efficacité du traitement de semences au fil des campagnes. Pour Terres Inovia, les seuls cas justifiant une impasse sur le traitement de semences concernent les variétés équipées d’au moins deux gènes efficaces contre les races de mildiou auxquelles elles vont être exposées, notamment pour les variétés résistantes à l’isolat de la race 714 contournant Pl8 cultivées en situation de contournement ; seul le semencier est en mesure de s’engager sur cette justification. En présence d’un seul gène Pl efficace, qui risque d’être contourné, nous vous conseillons un traitement de semences associé.
* Les profils RM des variétés face au mildiou sont sur www.myvar.fr. La liste de Terres Inovia des variétés résistantes à l’isolat de la race 714 contournant le gène Pl8 est disponible ci-dessous en document joint.
** La liste des variétés RM9 dont la résistance génétique a été contournée depuis 2018 a été dressée par Terres Inovia en collaboration avec les organismes stockeurs, et est disponible ci-dessous en document joint.
*** Le traitement de semences n’est pas une obligation réglementaire. L’absence de traitement de semences est de la responsabilité du semencier.
# Lumisena/Plenaris : Dérogation 120 jours (art 53-REG 1107/2009) obtenue pour Lumisena. Plenaris : sous réserve de l’obtention de la dérogation.
- Une attaque est considérée significative au-delà de 5 % de plantes nanifiées.