Par une fraîche matinée de janvier, le jour n'est pas encore levé que déjà, Mathieu de Marsac, 35 ans, des projets plein la tête, charge ses caisses de fruits et légumes dans son Maxi Kangoo. Puis direction Toulouse pour livrer ses clients à domicile. Dans un autre coin de l'atelier, Jean-Pierre, son père, tente de faire démarrer un tracteur Deutz-Fahr, légèrement capricieux.
Ils sont quatre à travailler quotidiennement sur l'exploitation familiale située à Marsac, aux confins du Tarn-et-Garonne. « Nous parvenons à sortir quatre Smic », lance d'entrée Mathieu. Jean-Pierre et Jérôme, salarié à plein temps, gèrent les 150 hectares de terres destinés aux grandes cultures tandis que Mathieu et sa mère, Martine, se concentrent sur les activités de maraîchage et de vente directe. Bien sûr, chacun est polyvalent et passe d'une activité à l'autre en fonction des besoins du moment.
Voici l'illustration d'une diversification agricole pleine de promesses. À côté des productions de blé tendre, tournesol et colza semence, la commercialisation des fruits et légumes représente environ la moitié des revenus de l'exploitation. Loin de naître d'un coup de tête, la vente directe constitue la suite presque logique d'une démarche entamée dans les années quatre-vingts.
« Il était nécessaire de dégager de nouveaux revenus »
Alors que Mathieu est encore sur les bancs de l'école primaire, ses parents cherchent à diversifier leur activité et se lancent, en plus des grandes cultures traditionnelles, dans la production à grande échelle d'oignons. Le résultat fut mitigé : « trop de contraintes et de pertes en raison de l'importance accordée à l'aspect des produits, alors que les paiements des grossistes restaient aléatoires ».
Au début des années 2000, ils envisagent de cultiver des légumes pour les vendre sur les marchés. « Surtout que, mon bac conduite et gestion de l'exploitation agricole en poche, il était nécessaire de dégager de nouveaux revenus. Mes parents ont donc décidé de reprendre l'emplacement d'un ami producteur, qui venait de prendre sa retraite, au marché de Castanet-Tolosan. » Vous pourrez toujours y rencontrer Martine et Mathieu les mardis et samedis. Mais pas le dimanche. Mathieu a rapidement abandonné l'idée de se lever à cinq heures ce jour-là, qu'il préfère passer avec Céline, son épouse, et ses deux petites filles.
Le destin lui sourit lorsqu'un fidèle client du marché lui annonce qu'il s'apprête à déménager mais lui propose de continuer à le fournir en légumes. L'aventure de la vente à domicile démarre ! En 2005, grâce au bouche-à-oreille, il livre une dizaine de clients au retour du marché. Peu à peu son portefeuille clients s'élargit. Il vend actuellement entre 30 et 50 paniers par semaine. Chaque vendredi matin est consacré à sa tournée de livraison. Ses produits sont également disponibles dans deux points relais, un bureau de tabac et une boulangerie de Toulouse. Il fournit aussi les salariés de deux entreprises de la grande banlieue toulousaine.
Le marché se déplace à domicile
Contrairement aux Amap (Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), Mathieu ne propose ni panier type, ni abonnement. Chaque semaine, il indique les produits disponibles par courriel à sa liste de diffusion, environ 300 personnes. Les acheteurs sont libres de choisir ce qu'ils souhaitent : « Chacun commande ce dont il a besoin, ce dont il a envie, un peu comme s'il était au marché... Les montants varient de 1 € à 50 €. »
Finalement, son activité s'avère rentable. L'achat d'équipements a été très progressif et ses principaux investissements concernent le transport : camion à renouveler régulièrement et chambre froide. Pour réduire les coûts au maximum, tout est planté à la main. « En cas de besoin, nous embauchons également des saisonniers, par exemple lorsqu'il faut rentrer les citrouilles. Mais c'est assez peu par rapport aux besoins de la grande culture », ajoute-t-il.
Côté production, quatre hectares sont exclusivement dédiés aux légumes. L'hiver est surtout la saison des choux, blancs, rouges, verts, fleurs, des citrouilles, butternuts, potimarrons et autres courges. L'été correspond au plus gros de la production avec un florilège de variétés de tomates, dont certaines anciennes, de courgettes, aubergines, poivrons, piments, pastèques, mais aussi quelques melons, du persil et différentes herbes aromatiques.
Pourtant, Mathieu ne peut produire tout ce qu'il vend : « Ici, la terre est très collante. Une carotte ou un poireau sont très difficiles à ramasser et deviennent souvent difformes. Nos sols conviennent pour tout ce qui pousse en dehors ». Mais son objectif reste de proposer une gamme complète à ses clients. C'est pourquoi il collabore depuis longtemps avec des agriculteurs voisins, installés sur les sols limoneux de la vallée de la Garonne : « Pour nous, que les légumes soient jolis ou pas ce n'est pas le plus important, l'essentiel reste le goût. »
Ouverture d'un magasin !
Entre grandes cultures et maraîchage, Mathieu a fait son choix : « Dans la région, le prix de la terre explose et nécessite d'investir toujours plus, je ne me vois pas d'avenir là-dedans. Bien sûr, je vais garder les terres de l'exploitation qui appartenaient déjà à mes grands-parents, mais j'imagine plutôt mon avenir dans les légumes. C'est vrai que c'est dur de se lever tôt, de charger, parfois dans le froid, mais j'apprécie le contact avec les clients. C'est un plaisir qui n'a pas de prix. »
Et, plus que le cours des céréales, c'est l'aménagement de son nouveau local commercial qui empêche Mathieu de dormir. Il ouvre en effet une boutique de vente directe à Saint-Clar, pas loin de son exploitation : « Autant avec les marchés je savais où j'allais, là je pars à l'aventure. Même si je ne prends pas grand risque. À part une balance et quelques tables. Je n'achète pas 10 hectares de terre à 10 000 € l'unité. »
De son côté, Jean-Pierre prévoit de cultiver des pois chiches sur des parcelles qui, récemment encore, accueillaient du maïs désormais moins rentable.