Le sorgho grain participe à la gestion du salissement et ne nécessite pas d’équipement matériel spécifique. Voilà deux arguments qui ont motivé Thierry Maillier à se lancer. Installé à la lisière entre les Yvelines, l’Eure-et-Loir et l’Eure, l’agriculteur cherche depuis ses débuts à diversifier sa rotation, alors que les assolements sont souvent réduits au triptyque blé-orge-colza, dans les sols argilo-calcaires plus ou moins profonds du secteur.
Le sorgho a tout de même besoin d’eau
Parmi les cultures testées : le chanvre textile, entre 2017 et 2019. « Il a des atouts agronomiques indéniables (économe en intrants et bon précédent pour le blé), mais les prix n’étaient pas à la hauteur. La féverole de printemps est aussi une culture intéressante sur le plan agronomique, mais la problématique bruche a fortement réduit sa productivité. J’en garde environ 4 ha tous les ans pour des questions réglementaires », explique Thierry Maillier. En ce qui concerne les betteraves sucrières, le producteur réserve les sols sablo-limoneux de son exploitation.
C’est en 2019 qu’il teste pour la première fois le sorgho grain dans les terres plus séchantes, en lien avec sa coopérative. La culture est, en effet, mise en avant pour sa tolérance à la sécheresse. « Si ses besoins en eau sont reconnus comme faibles, de l’ordre de 400 à 500 mm, un stress hydrique au stade épiaison-floraison peut toutefois impacter son rendement », observe l’agriculteur. « Attention alors au choix des parcelles (minimum de réserve utile) et des variétés aussi. L’été 2021, particulièrement froid et peu lumineux, a compliqué la période de fécondation de la culture. Alors qu’on peut atteindre 80 à 100 q/ha dans le secteur, le rendement était compris entre 25 et 85 q/ha sur le territoire de la coopérative cette année-là. Depuis, on s’est orienté sur des variétés plus rustiques (RGT Belugga notamment) ».
« Une culture relativement facile »
Si Thierry Maillier n’a pas semé de sorgho cette campagne, il prévoit de le faire l’an prochain. « On a subi deux années compliquées pour les semis d’automne, et on avait déjà beaucoup de têtes d’assolement sur l’exploitation », précise-t-il. « Sinon, on compte une quinzaine d’hectares de sorgho chaque année depuis 2020 ».
Côté itinéraire technique, le producteur témoigne d’une culture relativement facile. Elle est semée avec le monograine de son père, à 50 cm d’écartement. Mais d’autres agriculteurs utilisent aussi un semoir à céréales (inter-rangs : 15 cm), et cela fonctionne bien.
La gestion des adventices représente le principal point d’attention de l’itinéraire technique et ce, dès le semis. Il est conseillé d’attendre que les sols se réchauffent : un sorgho qui lève rapidement et de manière homogène facilite la maîtrise des adventices en assurant un recouvrement de l’inter-rang. Sur le plan des herbicides, les solutions sont restreintes : le S-métolachlore n’est plus disponible et 2025 est la dernière année d’utilisation pour celles à base de tritosulfuron, suite à un non-renouvellement de la matière active au niveau européen.
Le désherbage mécanique peut également compléter la palette d’outils, en cas de semis de précision et si la météo le permet. Les experts Arvalis recommandent, par exemple, « un passage de herse étrille ou de houe rotative quelques jours après le semis (technique du passage « à l’aveugle") en ayant pris soin de semer un peu plus profondément (5 cm recommandés). Un (ou plusieurs) binage(s) peuvent aussi être réalisé(s) vers le stade 5-6 feuilles du sorgho ».
Ni fongicide, ni insecticide
L’agriculteur ne réalise ni fongicide, ni insecticide sur le cycle. La culture est, en effet, dotée d’une bonne résistance face aux maladies et aux ravageurs. En revanche, comme de nombreuses cultures de printemps, elle est sensible aux attaques d’oiseaux pendant la période de levée. En 2020, Thierry Maillier se souvient avoir resemé 1,5 ha un mois après le semis : « le sorgho a toutefois une bonne capacité de compensation, comparé à un maïs », remarque-t-il.
Pour la fertilisation, Thierry Maillier apporte 140 u d’azote au semis. À noter que 40 % de l’azote mobilisé par le sorgho est restitué au sol sous forme organique, soit 60 à 80 hg intégrés dans l’humus du sol. Vis-à-vis du phosphore et du potassium, la culture se montre peu exigeante, cependant un apport peut être conseillé au semis dans les sols pauvres. En ce qui concerne la récolte, « pas besoin d’équipement spécifique ». Le stade optimal se situe autour de 20-25 % d’humidité.
Le cours du sorgho grain suit généralement celui du maïs, soustrait de 10€/t. Du côté des charges opérationnelles, l’agriculteur estime le total à environ 430 €/ha, avec 150-170 €/ha de coût de semences, moins de 200 €/ha pour la fertilisation et environ 60 €/ha pour les herbicides.
Des atouts pour l’alimentation humaine à faire connaître
« La filière sorgho grain existe toujours chez Natup, mais on a connu des années très diverses climatiquement parlant depuis le lancement de la filière. Les résultats irréguliers limitent son développement (environ 1 200 ha) », souligne Frédéric Chopart, responsable région Est de la coopérative. « On apprend aussi avec le temps, notamment en ce qui concerne les difficultés techniques au sein des silos, relativise-t-il. Le sorgho grain est un produit fragile qui nécessite d’être séché dès sa réception. »
Côté débouchés, la coopérative s’oriente, pour le moment, surtout vers l’alimentation animale. Néanmoins, la filière travaille pour multiplier les possibilités. « Le sorgho grain gagne à être connu en alimentation humaine, selon Sorghum ID, association interprofessionnelle européenne du sorgho. Il est, en effet, nutritionnellement comparable aux principales céréales en termes de protéines, d’acides aminés et de vitamines et riche en fibres. Il permet aussi de produire des farines sans gluten et faibles en glucide adaptées aux régimes spécifiques (diabète et maladie cœliaque). Le sorgho peut également être consommé en grain entier ou, après transformation, sous forme de sucre, ou malté et fermenté, sous forme d’alcools. Si l’utilisation de cette céréale est ancestrale en Afrique ou en Asie, cela reste relativement nouveau en Europe. »