Cultiver du tournesol dans les Hauts-de-France, c’est possible ?

Récolte tournesol
Il y a deux ans, il avait sorti 35 quintaux. Cette année, l’humidité a ruiné son implantation. (©Bertrand Coustenoble)

Est-ce grâce au microclimat qu’il réussit ses cultures de tournesol ? Michel Delille en produit depuis trois ans sur sa commune de Brunémont, entre Douai et Cambrai. Ici, il fait un petit peu plus chaud que dans les cantons alentours, la moisson commence toujours une semaine avant. Sur ses 80 hectares de cultures, le céréalier bio de 36 ans en implante cinq hectares, et cela marche.

Il faut tout de même être vigilant pour les semis, qui doivent être faits le plus tôt possible. Alors attention aux gelées ! Chez lui, c’est « fin avril début mai au plus tard, si j’attends trop, la récolte risque d’être à peine à maturité ou trop humide ». Il choisit la variété la plus hâtive possible et sème à 75 000 pieds/ha maximum, « cela ne sert à rien de semer plus dense sinon on perd en rendement ». Attention aussi aux corbeaux et pigeons, la graine de tournesol est particulièrement appétente. Si les chasseurs se chargent de les effaroucher, la culture peut lever facilement, « cela couvre le sol très rapidement, avec des inter-rangs de 45 cm », observe Michel Delille.

A une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest, à Marquillies, Bertrand Coustenoble n’était pas peu satisfait de sa culture de tournesols il y a deux ans. « J’avais fait 33 q/ha, c’était super ! », se souvient le céréalier bio, qui produit de la bière et des pâtes. Pour l’implantation, il avait attendu que les conditions météo soient réunies, il fallait que le champ soit bien ressuyé, mais aussi que la terre soit suffisamment réchauffée pour que cela lève rapidement avant les adventices. Alors il a semé au 1er juin. Évidemment, il a choisi une variété ultra-précoce. Et comme l’arrière-saison était belle, il a pu récolter au 8 octobre.

Cette année, il a recommencé et a voulu semer un peu plus tôt, le 10 mai. Mais les conditions n’avaient rien à voir, le sol était humide. « Quand on a vu les graines germer, on s’est rendu compte qu’elles étaient attaquées par les limaces, on a mis du phosphate ferrique, mais rien n’y a fait », tout était à recommencer. Bertrand Coustenoble ressort le semoir début juin, mais les résultats sont identiques. À cela viennent d’ailleurs s’ajouter les attaques de pigeons. « Il n’y avait pas assez de population de tournesols pour que la culture soit rentable, donc on a implanté un maïs à la place ».

Pas d’intrants

Une fois le tournesol levé, l’itinéraire cultural n’est pas compliqué : deux passages de bineuse-étrille et c’est propre, pas besoin d’intrants, « c’est une culture assez simple à mener, il faut juste bien vérifier le taux de matière organique parce que ça aime bien les sols riches », recommande Michel Delille.

La récolte non plus ne présente pas de difficultés majeures. « Je roule tranquillement avec ma batteuse, je laisse juste mes releveurs un peu écartés et je n’ai pas forcément beaucoup de perte, 3 à 4 % c’est bien le max », raconte Michel Delille. Mais encore faut-il savoir déterminer le meilleur moment pour sortir la batteuse. « Il ne faut pas chercher à avoir l’humidité la plus basse sinon il peut se mettre à pleuvoir et la tête peut se charger en eau, alors dès que l’on voit que c’est mûr il faut y aller, sinon les oiseaux commencent à s’attaquer à la culture », met en garde le céréalier de Brunémont.

Cette année il a récolté à 20 % d’humidité. Il y a deux ans, la météo était si clémente à l’automne que Bertrand Coustenoble n’avait pas eu besoin de sécher ses tournesols. Mais dans le nord, il y a de l’humidité, alors une fois récolté, il vaut mieux prévoir cette étape, cela peut se faire de façon artisanale ou sous forme de prestation, mais il faut l’anticiper. Attention aussi à la température, « si cela sèche trop fort, cela peut cramer » avertit Hélène Plumart, conseillère grandes culture à Bio en Hauts-de-France.

Pourquoi cultiver du tournesol

Bertrand Coustenoble et Michel Delille ont de bonnes raisons de faire du tournesol. Le premier, en maraîchage diversifié, a converti 6 de ses 35 hectares, ce qui l’a contraint à trouver de nouveaux assolements, des cultures différentes de celles pratiquées sur ses parcelles en conventionnel.

Michel Delille, lui, cultive le tournesol pour valoriser ses terres à faible potentiel, là où il ne pouvait pas se permettre de produire des légumes. « Je vends cela 600 euros la tonne avec trois tonnes par hectare, bon an mal an, j’arrive à avoir une marge brute meilleure qu’en maïs, mais si je n’avais pas de terres argilo-calcaires, je n’aurais pas d’intérêt à en faire ». Mais quand le prix retombe à 440 €/t comme en 2023, ce n’est plus rentable, surtout si les rendements sont inférieurs à 20 quintaux.

Si des céréaliers se mettent à cultiver du tournesol dans les Hauts-de-France depuis cinq ou six ans, c’est pour des raisons agronomiques. « Jusque-là quand ils voulaient intégrer une culture sarclée dans leur rotation, ils mettaient du maïs, et désormais, le tournesol peut remplacer, cela demande moins d’intrants », explique Hélène Plumart. La meilleure année, les rendements ont atteint 23 quintaux, soit l’équivalent de la moyenne décennale française.

Les coopératives de Saint-Hilaire-les-Cambrai, Oriacoop ou Biocer s’y intéressent, mais la filière reste à construire. « Il faut qu’il y ait plusieurs opérateurs à collecter et capables de sécher dans les 48 h, propose Bertrand Coustenoble. Si demain 200 hectares sont mis d’un coup en culture, cela fait du volume à sécher et à écouler, cela nécessite une infrastructure et des débouchés ». Et puis la récolte actuellement se fait généralement avec des becs à maïs. « Il faudrait du matériel de récolte spécifique au tournesol pour réduire les pertes », abonde Hélène Plumart.

Inscription à notre newsletter

NEWSLETTERS

Newsletters

Soyez informé de toute l'actualité de votre secteur en vous inscrivant gratuitement à nos newsletters

MATÉRIELS D'OCCASIONS

Terre-net Occasions

Plusieurs milliers d'annonces de matériels agricoles d'occasion

OFFRES D'EMPLOIS

Jobagri

Trouvez un emploi, recrutez, formez vous : retrouvez toutes les offres de la filière agricole

Réagir à cet article