Après 15 ans d’expérience en solution multirisque climatique (MRC) pour les agriculteurs, Groupama tire la sonnette d’alarme : selon le premier assureur agricole, le dispositif MRC n’est pas tenable à moyen et long terme pour les assureurs. À l’instar de nombreux producteurs qui peinent à remonter la pente économique suite à l’année 2016 calamiteuse, le système MRC ne se remet pas du niveau d'indemnisations pour cette « annus horribilis » sur le plan climatique.
Alors que, jusqu’en 2015, le ratio entre les cotisations et les montants indemnisés aux agriculteurs oscillait entre 86 et 97 %, le versement d’indemnisations en 2016 équivalent à 231 % des cotisations versées a, depuis, rendu le système déficitaire, autour de 104 %. Avec la sécheresse persistante dans certaines régions, les épisodes de gel et averses de grêle, entre autres, la projection de l’assureur pour l’année 2019 s’annonce tout aussi déficitaire. « 2019 s’inscrit en augmentation par rapport à 2018, avec 250 M€ d’indemnisations versées », a expliqué François Schmitt, agriculteur et président de Groupama Grand Est, lors d’une conférence de presse mardi 4 février.
« L’année 2019 prouve encore la pertinence des assurances climatiques. » Mais depuis trois ans, « sur la multirisque climatique, nous perdons de l’argent », a renchérit Jean-Yves Dagès, président de Groupama d’Oc, rappelant au passage que « l’équilibre du système pour un assureur, compte tenu des coûts de réassurance et divers frais, se situe autour de 72 % ».
Bien que l’assurance MRC « reste le principal outil de protection des cultures », avec 5,11 millions d’hectares couverts et une hausse notable des surfaces de 7,3 % l’an passé, le dispositif reste trop peu utilisé par les agriculteurs – autour de 30 % des surfaces éligibles effectivement assurées – pour permettre une véritable mutualisation des risques.
Créer un « pool » mutualisé entre assureurs pour sauver le système
« Il faut donc opérer de décisions stratégiques » pour pérenniser le système, estiment les représentants du groupe. « Voilà un an que nous avons demandé à débattre de la gestion des risques climatiques en agriculture avec le Gouvernement ». En réponse, le ministre de l’agriculture a lancé, en juillet dernier, une concertation sur la gestion des risques en agriculture avec les représentants agricoles, les assureurs et les réassureurs autour de trois thématiques : l’articulation entre assurance et dispositifs de gestion des risques, la sensibilisation, la pédagogie et la prévention, et enfin des problématiques particulières au secteur arboricole.
« Le réel enjeu, pour les agriculteurs comme pour les assureurs, réside dans l’assurabilité des cultures », estime Pascal Viné, directeur des relations institutionnelles du groupe d’assurance. « Le marché de l’assurance récolte est fragilisé et menacé dans un contexte où le dérèglement climatique déjà perceptible va encore s’accentuer dans un futur proche. »
Dans le cadre de la concertation engagée, Groupama défend la « création d'un pool associant les assureurs et les réassureurs privés permettant de mutualiser les portefeuilles de risques, tout en maintenant un environnement concurrentiel ». Il s’agirait de mettre en place « une gouvernance plus efficace entre assureurs, réassureurs, l’État et les agriculteurs », « pérenniser les lignes d’assurance récoltes existantes et en développer de nouvelles ».
« Des magiciens arrivent bien à sortir un lapin du chapeau sans qu’on sache d’où il vient »
Surtout, Groupama souhaite une « simplification des dispositifs actuels », et « une véritable articulation avec le fonds des calamités agricoles ». Groupama a présenté ses propositions au Gouvernement dans le cadre des réunions thématiques.
Sept mois après le lancement de la concertation, les travaux patinent. « La première réunion sur le thème de l’arboriculture est programmée le 12 février », s’agacent les représentants de Groupama. Dans les deux autres groupes de travail, rien de concret ne semble émerger alors que « des annonces avaient été promises pour fin février, début mars ».
Pour faire face au coronavirus qui sévit autour de la ville de Wuhan, les Chinois ont bien réussi à construire de toute pièce un hôpital en moins de 10 jours. « Des magiciens arrivent bien à sortir un lapin du chapeau sans qu’on sache d’où il vient », ironise de son côté Jean-Yves Dagès. Pas sûr que le ministère de l’agriculture et le Gouvernement aient une baguette magique pour faire évoluer le dispositif de gestion des risques d’ici un mois.