« La luminosité a été très faible depuis novembre : mon bâtiment photovoltaïque a enregistré une perte de 20 % par rapport à un hiver normal », fait remarquer Éric Buysse, céréalier au Hérie-La-Véville. « Il a également beaucoup plu et fait froid. » Une situation confirmée par Alain Tournier, conseiller en agronomie à la Chambre d’agriculture départementale : 100 à 150 mm depuis le mois dernier et des gelées blanches encore la semaine dernière. Conséquences : des retards significatifs sur l’implantation des cultures de printemps – celles d’automne ayant moins souffert.
L’inquiétude d’Éric Buysse concerne plutôt les betteraves et le lin. « Semés au delà du 10 avril, ils auront forcément une baisse de potentiel. On arrive dans la période critique. Il y aura peut-être une fenêtre fin de semaine, avec un retour de la pluie lundi. De toute façon, on sèmera en conditions humides. On ne fera pas du bon travail…. mais il faut y aller. »
Si ses orges de printemps ont été semées dans les créneaux, Éric Buysse craint une possible baisse de potentiel, due aux pluies survenues juste après les semis. « Ceux qui ont semé pendant la période de gel seront avantagés. Pour ma part, ça va limiter le tallage. Je m’attends à une baisse de rendement de l’ordre de 10 q/ha. »
Une estimation qui, selon Alain Tournier, paraît cohérente : « Normalement, toutes les orges ont été semées. Néanmoins, on devrait être à 2-3 feuilles, et on n’en est qu’au stade levée. Ceux qui n’ont pas encore semé peuvent se poser la question de le faire ou pas. Implanter autre chose ? Il est trop tard pour les protéagineux, et le maïs ne me paraît pas une option rentable. » Le conseiller rajoute que pour les betteraves, une récente note de l’ITB annonce une perte de productivité de 0,5 % par jour pour des semis effectués entre le 23 mars et le 13 avril, 1 % au-delà.
Côté organisation des chantiers, Éric Buysse a mobilisé ses deux salariés deux week-ends de suite « avec ce que cela implique d’heures supplémentaires. » Pour le céréalier, il devient nécessaire de s’équiper pour semer de plus en plus rapidement, comme pour la moisson. « J’ai en tout 25 hectares de lin avec mon fils. Il faudrait idéalement les implanter en une journée. » La productivité du lin dépendant largement de la structure des sols au moment du semis, les conditions ne semblent pas réunies pour assurer le plein potentiel de cette culture.
« Tout va dépendre du printemps, conclut Alain Tournier. Ça peut très bien ne pas se voir comme se traduire par des catastrophes, mais on peut légitimement être pessimistes compte tenu du climat actuel. »