Sur l'île de Batz, Géraldine Leroux produit des pommes de terre primeurs au rythme des marées

Géraldine Leroux présente les coiffes permettant d'identifier ses productions dans les commerces. (©B.S.)

Des interventions manuelles à répétition, une logistique contraignante, un foncier prohibitif, un climat venteux… Produire des pommes de terre primeur sur l’île de Batz, au nord du Finistère, réclame bien des efforts. Pourtant, « si je ne m’étais pas installé sur l’Ile, je n’aurais jamais été agricultrice », avertit Géraldine Leroux.

Originaire de l’île, elle s’inscrit dans une longue tradition familiale. « Mes grands-parents élevaient des vaches et des chevaux qui leur servaient à ramasser le goémon sur les plages. Leurs cultures servaient à nourrir la population locale. » L’île n’est éloignée que d’un kilomètre à vol d’oiseau du Port de Roscoff. Mais la forte amplitude des marées, un chenal hérissé de rochers et d’importants courants rendent son accès difficile. Aussi, lorsque des aménagements portuaires ont facilité la navigation, les échanges ont pu se multiplier. L’agriculture locale a valorisé le climat tempéré pour produire à destination de la clientèle continentale. Cela a commencé par des cultures de choux-fleurs, puis a évolué vers d’autres productions, notamment des pommes de terre primeurs.

Sur l’Ile de Batz, le parcellaire très morcelé se mesure en ares. (© B.S.)

Un patchwork de microparcelles

Lorsqu’elle s’est installée en 2008, Géraldine Leroux a profité de l’expérience et d’une partie du matériel de ses parents exploitant 8 ha. Elle a également repris des parcelles déjà converties par ses oncles. « C’était l’idéal pour moi de m’installer en bio. Les prix avantageux me permettaient de mieux gagner ma vie ». Plus tard, en 2015, elle s’est associée en Gaec avec son conjoint, Emmanuel Hérry. Aujourd’hui, elle cultive une vingtaine de parcelles totalisant une dizaine d’hectares. « Ici nous mesurons plutôt les surfaces en ares », corrige-t-elle. 

Longue de 3,7 kilomètres et large de 1,6 km, l’île de 305 ha compte, selon les données du recensement agricole de 2020, un peu plus de 104 ha de surface agricole utile. Partagées entre 16 exploitations, ces terres font travailler une trentaine d’équivalents temps pleins. Le parcellaire très éclaté a échappé à tout remembrement. S’il participe à la photogénie du paysage et à la richesse de son environnement, il ne facilite pas le travail de ses cultivateurs. Les plus petites parcelles se mesurent en centaines d’ares et les plus grandes n’excèdent pas 1,5 ha. 

Pour ne pas simplifier l’accession au foncier, celles-ci sont, le plus souvent, subdivisées dans leur plan cadastral en un patchwork de microparcelles de quelques dizaines d’ares que des successions ont placé entre les mains de propriétaires, souvent sans rapport avec le milieu agricole local. « Lorsqu’une cession survient, le prix demandé est souvent prohibitif et déconnecté de la valorisation agricole. Il a pu monter jusqu’à 65 000 euros par hectare », s’indigne l’agricultrice.

Les premières récoltes à la fin avril

Selon les années, Géraldine Leroux cultive entre 3 et 4 ha de pommes de terre primeurs. Les plantations démarrent vers le 20 janvier et s’échelonnent jusqu’au 31 mars. Les premières récoltes sont espérées durant la dernière semaine d’avril et se déroulent jusqu’au mois de juillet. Elles sont rythmées par les fenêtres météorologiques, les commandes et les rotations de la vénérable barge François André

Utilisable uniquement à marée haute, la barge François André est le seul moyen de transporter des marchandises vers le continent. (© B.S.)

Seul à être capable d’assurer les transports de marchandises entre l’île et le continent, ce navire assure au moins une rotation par jour, du lundi au vendredi, avec des horaires très dépendants des marées. « Cela peut aller de 5 heure 30 du matin jusqu’à 16 heure dans l’après-midi », précise Géraldine Leroux. Pour commercialiser ses productions, elle a fait le choix d’adhérer à la coopérative Biobreizh. Cette dernière écoule la large gamme de fruits et légumes bio cultivés en Bretagne auprès des réseaux de commercialisation spécialisés… « Nous recevons les commandes la veille pour le lendemain et en plus ou moins grandes quantités », explique l’agricultrice. 

Dès la récolte, les pommes de terre sont conditionnées dans des cagettes coiffées d’un carton mettant en valeur leur origine et leur mode de production. « Nous évitons d’arracher sous la pluie car sinon l’humidité a pour effet de détremper l’emballage. L’aspect serait alors moins qualitatif pour le client. » L’Ostara, une variété précoce à chair jaune pâle, est la reine de l’ile. « Elle se montre résistante au vent et parvient à repartir après des épisodes de gelée blanche. Nous avons aussi essayé Alouette. Elle a donné de bons rendements mais elle n’est pas référencée dans certains circuits de distribution ».

Un terroir à valoriser

Dans la rotation, une même parcelle peut recevoir des pommes de terre trois ans de suite. Une fois celles-ci arrachées, les choux-fleurs prennent le plus souvent le relais.

Les pommes de terre sont arrachées avec une machine monorang Unia. (© B.S.)

Il est possible de prévoir deux voire trois productions sur une même parcelle dans l’année, Géraldine Leroux cultive ainsi, entre autres, des carottes, des radis noirs, des choux-raves, des choux frisés… À défaut de bénéficier d’une indication géographique protégée, les pommes de terre primeur jouissent d’une certaine reconnaissance de la clientèle, les autres productions ne parviennent pas à faire valoir leurs particularités insulaires. Selon Géraldine Leroux leur goût très particulier provient de leur mode de fertilisation. Comme les élevages sont inexistants sur l’île et le fumier quasiment inaccessible, le goémon représente la principale source de fumure.

Le Goémon est la principale fumure des cultures. (© B.S.)

« Nous l’appelons l’or brun. Il fait partie de nos grandes richesses. Nous le récoltons avec la fourche du tracteur l’hiver à marée basse, puis nous l’apportons aussitôt grâce à un épandeur à hérissons verticaux Sodimac Rafale. Avec la pluie, le produit se dessale rapidement. Une fois qu’il s’est bien décomposé, nous l’enfouissons à la herse rotative. La fumure apportée avant pommes de terre suffit aux choux-fleurs qui suivent. Éventuellement, en complément, nous apportons des engrais organiques autorisés dans le cahier des charges de la coopérative. Mais avec le transport, leur coût devient vite prohibitif. » 

Les mauvaises herbes sont combattues classiquement par le travail du sol, par des faux semis avant plantation, puis un passage de herse étrille et un sarclage.

Géraldine Leroux protège les parcelles les plus exposées aux intempéries grâce à des bâches réutilisables. (© B.S.)

Pour protéger les cultures du vent, certaines parcelles sont recouvertes d’une bâche plastique réutilisable « Cela permet d’éviter que les pommes de terre se découvrent et qu’elles verdissent. Mais cela peut hâter le salissement et le développement du mildiou ». Cette maladie est la plus redoutée par l’agricultrice. « Le cuivre est notre seul moyen de protection. Mais nous sommes limités dans son utilisation. Alors nous attendons que la pression se fasse sentir puis nous traitons jusqu’à 3 à 4 fois, tôt le matin ou le soir pour profiter de l’humidité. »

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