« La spirale baissière s'accentue, sous une pression surtout économique : le marché réagit à la baisse des prix du pétrole, à une nouvelle faillite bancaire aux États-Unis et globalement aux craintes de ralentissement de la croissance », commente Arthur Portier, analyste au cabinet Agritel (Argus Media France).
Sur Euronext, la tonne de blé tendre s'échangeait mercredi sous la barre des 230 euros pour livraison en septembre, à son plus bas niveau depuis août 2021, le maïs évoluant de conserve, autour de 225 euros la tonne pour livraison en juin.
?? Évolution du blé @euronext_fr en vue mensuelle depuis 2014 ??
— Arthur Portier (@PortierArthur) May 2, 2023
?? Une onzième bougie rouge sur les 12 derniers mois avec Mai qui commence également en baisse.
À ces prix pour les oléagineux et céréales : ?? @agritel_argus #oatt pic.twitter.com/prDQxR2Qkn
Après « sept mois consécutifs de baisse » des prix des céréales sur le marché européen, « on arrive en dessous des coûts de production pour les agriculteurs », souligne Arthur Portier. Avec le triplement du prix des engrais en 2022, les céréaliers français « ont acheté leur solution azotée (pour la campagne 2023) à environ 600 euros la tonne, portant leur coût de production du blé à 250 euros la tonne », alors qu'ils ne retirent de la vente qu'environ « 205 euros par tonne à l'heure actuelle », relève-t-il.
La tendance à la baisse des cours est la même aux États-Unis, où le prix du contrat à terme de référence sur le blé d'hiver de variété SRW (Soft Red Winter Wheat) est tombé mardi sous les 6 dollars le boisseau (environ 27 kg), à son plus bas niveau depuis fin mars 2021.
Certaines régions du Midwest ont bénéficié de pluies ces derniers jours et le rapport hebdomadaire du ministère américain de l'Agriculture a montré une légère amélioration de l'état des cultures pour le blé d'hiver, ce qui joue en faveur d'une baisse des prix.
« Les stocks (de blé) se tendent (...), mais honnêtement, pour l'instant, rien ne peut arrêter cette chute à court terme. La Russie a beaucoup de blé qu'elle déverse sur le marché à prix cassés », constate Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX.
Sous le plancher
En témoigne le dernier appel d'offre de l'Égypte, qui a négocié d'arrache-pied les 655 000 tonnes de blé achetées mardi, essentiellement à la Russie, à des prix descendant sous les 260 dollars la tonne.
« Les prix européens étaient pratiquement alignés sur le prix plancher russe, à 275 euros la tonne : pour emporter cet appel d'offre, les Russes, qui ont encore beaucoup de stock, sont descendus très bas. Et l'Egypte, qui n'achète pas habituellement à cette période, a réalisé un achat d'opportunité », relève Damien Vercambre du cabinet Inter-Courtage.
Dear business partners,
— ammeundmueller (@ammeundmueller) May 3, 2023
#Egypt's #GASC bought 655k wheat in yesterday's wheat tender.
120k from #Romania and 535k from #Russia.
The OC (June)had an average FOB price of US$ 260.00/mt and the NC (July )US$ 250.00/mt.
Thus, the purchase note for crop 22 should be fulfilled pic.twitter.com/LAUSV4fHSv
À ces niveaux de prix et compte tenu des coûts de transport, les blés américains ne sont pas compétitifs et le maïs, qui s'apprête à subir la rude concurrence du grain jaune brésilien avec la nouvelle récolte de juin-juillet, « pourrait avoir atteint un plus bas », selon Franck Cholly de RJO Futures, après l'annulation d'une commande chinoise de 560 000 tonnes la semaine dernière.
Cette baisse générale des cours est une bonne nouvelle pour les pays importateurs, notamment au Maghreb où une nouvelle vague de sécheresse va réduire les rendements des récoltes attendues dans quelques semaines.
« Le souffle baissier est tellement fort que les marchés ne tiennent pas compte des éléments d'incertitude » sur les exportations d'Ukraine, que ce soit via le corridor maritime qui arrive à échéance le 18 mai, ou via les voies terrestres européennes après la bronca de cinq États (Pologne, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, Roumanie) dénonçant une concurrence directe de leurs propres productions, relève Arthur Portier.
L'Union européenne a annoncé des « mesures de sauvegarde exceptionnelles », entrées en vigueur mardi, pour les blé, maïs, colza et graines de tournesol, qui peuvent transiter par ces cinq pays mais pas y être vendus.
Quant à l'accord sur le corridor de la mer Noire, les négociations qui doivent reprendre en Turquie ces prochains jours s'annoncent ardues mais le marché « ne croit pas à une fermeture » du corridor, dont « la Chine et la Turquie sont les premiers clients », relève Damien Vercambre.