La coopération agricole évolue pour répondre aux attentes des jeunes agriculteurs

Main avec grains de blé dans un silo
Les préoccupations de la jeune génération sont nombreuses en termes d'environnement, changement climatique, filières... (©Pretti, Adobe Stock)

Alors que renouveler les générations d’agriculteurs, d’adhérents et d’administrateurs est un enjeu pour les coopératives agricoles, face aux départs en retraite massif d’exploitants dans les années à venir, enjeu sur lequel travaille La Coopération Agricole depuis plusieurs années, plusieurs d’entre elles ont choisi ce thème pour les assemblées générales 2023. Après Agora dans l’Oise le 12 décembre, c’était au tour de Noriap à Amiens le 15 décembre.

Pour en parler, des invités de divers horizons impliqués dans les coops : Dominique Chargé, président de LCA, David Saelens, président de Noriap, Frédéric Desfossez, vice-président, Adeline Hermant, membre du bureau, Quentin Thibault, jeune agriculteur près d’Ailly-sur-Somme et adhérent, Delphine Chamard, installée en Charente-Maritime depuis 2019, engagée dans le groupe coopératif Cavac et son collectif d’agricultrices Les Bottées, et l’agriyoutubeur Étienne Fourmont.

Être plus offensif et travailler avec la jeunesse sur l’environnement, le changement climatique, la souveraineté alimentaire, le dynamisme des territoires.

Pour répondre aux attentes des nouvelles générations de producteurs, et des jeunes Français en général, « les coopératives doivent être encore plus offensives dans leurs démarches pour protéger l’environnement, lutter contre le changement climatique, préserver la souveraineté alimentaire, et encore plus impactantes sur le dynamisme socio-économique des territoires, même s’il y a eu des évolutions notables depuis que je suis dans le monde coopératif. Il s’agit ensuite de le faire-savoir. »

Tels sont les principaux enseignements que Dominique Chargé retire des échanges menés l’an dernier avec 800 étudiants et actifs de 15 à 30 ans, de différentes régions, qui relèvent outre leurs inquiétudes sur ces sujets, et pour ceux qui ne sont pas proches du milieu agricole, « des exigences fortes sur le contenu de leur assiette et un décalage avec le prix d’achat souhaité et la réalité du terrain ». « La Coopération agricole est volontaire pour travailler sur toutes ces thématiques avec la jeunesse », insiste le président de LCA.

Pouvoir expérimenter

Selon Quentin Thibaut, 29 ans, ayant rejoint l’exploitation familiale il y a quatre ans, il n’est « pas toujours facile de trouver sa place dans le modèle coopératif bâti il y a plusieurs générations ». « Les nouveaux installés, dont les parents ne sont pas coopérateurs, » n’ont pas naturellement tendance à « travailler avec les coopératives », fait-il remarquer, tout en soulignant que les jeunes agriculteurs « se sentent parfois isolés » alors qu’ils pourraient « avancer plus facilement ensemble avec les coops ». « Nous sommes là pour les accompagner techniquement et économiquement, notamment face à la forte volatilité des prix », appuie Dominique Chargé citant l’exemple des dispositifs de sécurisation du prix du lait proposés par plusieurs entreprises du réseau.

Un appui financier et une expertise.

L’accompagnement vise également à faciliter la transition agroécologique et concerne aussi l’expérimentation, où contrairement au secteur privé, « les producteurs peuvent rester acteurs ». Ils sont même « force de propositions » de techniques à expérimenter, ajoute Dominique Chargé, l’avantage de l’outil coopératif étant que « tout le monde puisse bénéficier des résultats ». « Les exploitants, seuls, ne peuvent pas investir et développer des projets d’envergure », d’un point de vue pas uniquement financier mais parce que les coopératives apportent leur « expertise » et un encadrement facilitateur.

Assemblée générale de Noriap 2023
De gauche à droite : Delphine Chamard, Dominique Chargé, l'animateur, Adeline Hermant, Etienne Fourmont, Quentin Thibaut. (© Terre-net Média)

Renforcement des filières

« Les filières doivent être l’un des axes de travail prioritaires, en lien avec le changement climatique et les demandes sociétales », estime en particulier Quentin. Dominique Chargé confirme : « Les coops ont été mises en place pour accéder aux marchés. À l’époque, les risques étaient moins nombreux. La problématique est davantage actuellement de ramener la valeur ajoutée aux producteurs à travers le renforcement des filières et une individualisation des modèles technico-économiques des exploitations. Il y en a autant désormais que de fermes. »

La coopération, moins naturelle pour les jeunes ?

« La coopération s’envisage sur un temps long : si on s’y investit aujourd’hui, on n’en récoltera les résultats que d’ici quelque temps. Or, la jeunesse actuelle veut aller vite », constate pour sa part Étienne Fourmont. Autre évolution : « Maintenant, elle trouve les informations qu’elle recherche sur internet ou les réseaux sociaux contrairement à avant où les agriculteurs s’informaient en partie grâce à leurs coopératives », poursuit l’agriyoutubeur. Les jeunes seraient, en outre « plus individualistes », estime Frédéric Desfossez, et moins enclins à « rester avec les mêmes partenaires ». C’est pourquoi l’engagement coopératif est moins naturel pour eux.

Féminisation et communication

Préservation de l’environnement, recherche de valeur ajoutée, limitation des risques de marché et climatiques, le tout en s’appuyant sur les filières et leur ancrage territorial… comme évoqué en amont, le monde coopératif évolue au gré des changements que connaît l’agriculture et des besoins des nouvelles générations de producteurs. La féminisation du secteur agricole s’observe aussi parmi les salariés des structures du réseau, leurs adhérents et dans les conseils d’administration, où elle est cependant encore faible. Alors des initiatives comme Les Bottées au sein de la Cavac ou encore Les Elles de la coop voient le jour, pour inciter les agricultrices à faire partie des instances de gouvernance. Le but étant « d’y entrer pas parce qu’on est une femme mais parce qu’on a des compétences, sans forcer la main », souligne Delphine Chamard.

Prendre des responsabilités, non pas parce qu’on est une femme, mais parce qu’on a des compétences.

« La féminisation et le rajeunissement des CA sont deux priorités pour La Coopération Agricole », reprend Dominique Chargé qui alerte lui aussi sur la fausse bonne idée d’aller chercher de futures administratrices : « Mieux vaut communiquer, sensibiliser pour qu’elles viennent d’elles-mêmes ». Au sein des Bottées, cela passe par des journées de découverte du milieu coopératif, des présentations dans les écoles, des formations sur la confiance en soi ou la prise de parole en public par exemple. Adeline Hermant fait part de son expérience : « Administratrice stagiaire pendant un an, j’ai pu voir si cette responsabilité m’intéressait et si je m’en sentais capable. Je voulais pouvoir rester moi-même. J’ai été très bien accueillie, c’est une aventure humaine vraiment enrichissante avec, certes, des moments difficiles mais un bel esprit de cohésion. »

Montrer que le monde coopératif se renouvelle et se féminise.

Pour attirer des femmes et des jeunes, il importe donc de communiquer. Les Bottées disposent d’ailleurs d’une page Facebook sur laquelle, chaque lundi, est publié le portrait d’une agricultrice du groupe. Des « role models » en quelque sorte. Et le groupe d’agricultrices sera bientôt sur Instagram. Beaucoup de coopératives se dotent d’un responsable, d’une commission voire d’un service, communication. « Cela ne doit plus être perçu comme un coût mais comme un investissement », pointe Dominique Chargé. Et « les messages se travaillent pour ne pas se laisser trop envahir par les sentiments », complète Étienne Fourmont. Pour la coopération agricole, à l’image de l’agriculture en général, il faut « dire les choses comme elles sont, simplement, et surtout montrer que le monde coopératif se renouvelle et se féminise », exhorte son président national. « En sortant de l’entre-soi, pour s’ouvrir à l’ensemble de la société », conclut-il.

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